
L’enquête, diffusée en ligne en 2017 par 43 canaux (syndicats, fédérations, interprofessions, associations, centres techniques, …), interrogeait chaque entreprise sur 2 à 3 produits considérés comme les plus à risque vis-à-vis des phénomènes d’altération.
Au total, des réponses complètes exploitables ont été recueillies auprès de 53 entreprises, soit 162 produits renseignés (107 complètement). Les entreprises étaient en majorité des PME (4 ayant 20-50 salariés, 41 entre 50 et 100 et 4 entre 100-200) ainsi que 4 ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire – entre 600 et 800 salariés). Onze entretiens individuels en tête à tête avec le responsable R&D, le responsable qualité ou le directeur de site de production, tous volontaires suite à l’enquête, ont été menés par des microbiologistes de chaque centre en suivant le même guide semi-directif. Ils ont été interrogés sur la biopréservation dans leur domaine en fin d’entretien.
Figure 1 : Répartition par filière des produits de l'enquête (107 produits)
Concernant l’enquête, il est à noter le retour de 10 entreprises produisant exclusivement ou non des produits BIO des domaines laitiers, céréaliers ou fruits, pour une part dépassant les 20% des produits renseignés. Les produits alimentaires concernés par l’altération sont très variés et appartiennent à toutes les filières attendues (Figure 1).
Il s’agit en majorité de produits alimentaires stockés en conditions réfrigérées, sous vide ou sous atmosphère modifiée pour les produits de la mer ou carnés, sous air pour les produits laitiers. Pour les produits céréaliers, dans la moitié des cas le stockage s’effectue à température ambiante sous air et pour les autres en conditions réfrigérées sous atmosphère modifiée.
Les types d’altération relevés sont souvent visuels (aspect général altéré 17% ; gonflements 13% ; modification de la couleur 14% ; exsudat 6% et poissage 6%), en particulier pour les produits traiteurs et laitiers. Les produits de la mer sont davantage concernés par l’apparition de mauvaises odeurs et goûts désagréables en cas d’altération (Figure 2).
Figure 2 : Nature des défauts/altérations globalement et par catégorie de produits (sur 107)
Les défauts /altérations sont détectés en majorité par des tests de vieillissement des produits en interne en entreprise que ce soient des tests de durée de vie, de dégustation ou de suivi d’échantillothèque. Pour les produits stockés en réfrigéré, les températures appliquées lors de ces tests sont très variables, allant de 8°C (avec ou sans période à 4°C) jusqu’à 15°C. Pour les produits végétaux, où il s’agit généralement de retours clients voire de réclamations de consommateurs, ces défauts sont quasiment toujours constatés avant la fin de stockage (Figure 3).
Figure 3 : Niveau de constat du phénomène d’altération par filière alimentaire
Du point de vue économique, très souvent, les lots sont estimés comme faiblement touchés, c’est-à-dire moins de 10% des unités du lot. Cependant, 25% des produits laitiers et 36% des produits de la mer ont plus de la moitié du lot touché en cas d’altération (Figure 4). Quel que soit le cas de figure, il y a peu de cas de retrait de produits des circuits de commercialisation. Par exemple, dans le cas de produits traiteurs, suite à des gonflements de barquettes, ce retrait est majoritairement préventif car avéré lors de tests internes de vieillissement. Autre exemple pour le saumon fumé : les retours clients ne représentent que 2% des non-conformités et 98% de celles-ci font suite à des dégustations en interne.
Figure 4 : Pourcentage estimé d’unités de vente par lot touchées par l’altération en cas de défauts
Les coûts liés à l’altération sont rarement révélés. Lorsqu’ils le sont, les montants peuvent s’avérer élevés au regard du chiffre d’affaires des entreprises concernées, par exemple dans les domaines du poisson (2 cas à plus de 30.000 euros annoncés) et des jus et desserts à base de fruits (2 cas à plus de 100.000 euros annoncés).
Par contre, les constats d’altération impliquent des coûts indirects systématiques, liés à des opérations renforcées de nettoyage / désinfection de surfaces des lignes de production, à une augmentation de la valeur stérilisatrice ou pasteurisatrice s’il y a traitement thermique, ou, dans le cas des fromages, à des soins supplémentaires en cours d’affinage voire des déclassements ou réorientations de produits (ex : fromage Bio ou mimolette « jeune »).
Les altérations sont annoncées comme étant majoritairement d’origine microbiologique, ce qui est conforme à l’orientation affichée dans le titre de l’enquête et à sa description contextuelle introductive qui la circonscrit exclusivement à ce sujet. Seuls 2 cas (1 biscuit et 1 produit chocolat) relèvent d’une origine réellement non-microbiologique, en l’occurrence chimique de type oxydative, certainement en lien avec leur forte teneur en lipides et leurs conditions de fabrication et de stockage.
Les origines de l’altération, même si elles sont manifestement liées à des microorganismes, sont souvent méconnues pour les produits de la mer (43%), carnés (35%) et traiteurs (45%) et aussi dans 25% des cas pour les produits céréaliers.
Figure 5 : Identification des microorganismes altérants par filière
Les causes de l’altération ne sont pas toujours identifiées mais divers paramètres récurrents sont cités comme :
- des problèmes de maîtrise de température souvent en lien avec une période spécifique de l’année ou une saison (1/3 des cas) ;
- des problèmes de procédés de production non maîtrisés ou présentant des dérives comme des barèmes de cuisson ou une mauvaise pratique de nettoyage / désinfection des ateliers de production en particulier dans les filières produits laitiers et céréaliers ;
- des problèmes de procédé de conditionnement en lien avec de mauvais scellages, des remplissages défectueux ou à des perforations du film entraînant des microfuites ;
- des problèmes liés à une catégorie de matières premières.
Les matières premières liées à un ou des fournisseurs sont fréquemment citées dans ces origines d’altération possibles pour les produits de la mer (29%) (Figure 6).
Figure 6 : Témoignages de causes probables d'altération en lien direct avec un produit donné
Les méthodes de détection de l’altération citées comme efficaces sont visuelles ou gustatives (odeurs/goûts) pendant les tests de vieillissements en accéléré (s’ils existent). Elles sont aussi appliquées en cas de retours clients. Cela peut nécessiter la mise en place d’un panel en interne. Les marqueurs peuvent être microbiologiques quand le danger potentiel de certains germes est connu comme les levures/moisissures pour des produits végétaux ou fromagers ou les entérobactéries pour les produits carnés et de la mer stockés sous vide ou atmosphère modifiée. L’utilisation de marqueurs chimiques est très limitée.
Pour beaucoup, il serait également très utile de disposer de marqueurs fiables et précoces pour le contrôle de matières premières dans un souci de maîtrise de leur utilisation et de lutte contre le gaspillage (ex : réutilisation d’un même conteneur d’ingrédients pour produits de la mer).
VII. LES SOLUTIONS DE MAITRISE APPLIQUEES NE SONT PAS TOUJOURS SATISFAISANTES
Une méthode jugée efficace est le retrait du lot complet après un test interne ayant détecté précocement l’altération, au nom du principe de précaution et dans l’optique d’un maintien de l’image de l’entreprise. Ces pratiques, pour être efficaces, doivent s’accompagner de la mise en place rapide de mesures de maîtrise (Nettoyage et Désinfection renforcé ; barème thermique contrôlé) et de travaux approfondis en interne avec le personnel de production (recherche des causes). Les coûts associés sont alors loin d’être négligeables. De telles exigences sont communément appliquées aux fournisseurs avec contrôles à réception des intrants comme la farine pour les produits céréaliers à risque en termes d’altération (ex : pâtes ménagères).
Les procédés comme le salage/fumage sont parfois insuffisants pour éviter tout risque d’altération. Les atmosphères modifiées sont largement utilisées pour allonger la conservation de produits frais mais ne suffisent pas à contrôler l’altération (gonflements visibles). L’ajout de conservateurs est souvent efficace car ceux-ci permettent d’allonger la durée de vie du produit ou de s’affranchir d’un emballage sous atmosphère modifiée (ex : sorbates dans les salades de légumes / féculents). Les pratiques d’ajouts de conservateurs sont cependant en complète opposition avec les tendances actuelles de « clean label » recherchées par le consommateur. De fait, les entreprises tendent vers une réduction voire une suppression des conservateurs chimiques ainsi qu’une diminution d’ingrédients importants dans la conservation tels que le sel et le sucre.
VIII. LA BIOPRESERVATION : UNE TECHNOLOGIE DIVERSEMENT CONNUE ET RECONNUE
Les ferments sont largement et depuis longtemps utilisés en tant que technique de lutte contre Listeria monocytogenes dans les fromages. Pour cette même application, la biopréservation est de plus en plus connue et utilisée avec un étiquetage des ferments en tant qu’ingrédients (ex : poisson salé ou magret de canard fumé).
La biopréservation est aussi bien connue dans d’autres catégories de produits, à un stade plus ou moins avancé, avec des essais en cours pour le jambon cuit (ajout de flores lactiques) ou pour des produits végétaux ou fromagers, l’objectif étant de voir s’il existe des solutions pour inhiber les levures et moisissures.
Par ailleurs, un fort intérêt est exprimé pour la biopréservation en particulier pour les matières premières, pour mieux conserver des conditionnements entamés et éviter ainsi les pertes (ex : conserves de poisson et fûts d’ingrédients) mais aussi pour élargir les applications actuelles (cas de produits de la mer et produits carnés ; produits Bio) comme par exemple pour :
- D’autres poissons que le saumon (thon, flétan) avec de nouveaux produits à développer pour maitriser L. monocytogenes, mais aussi lutter contre l’altération du saumon fumé (flores à identifier) sous réserve que ce procédé soit autorisé et facilement applicable ;
- Le traitement hygiénique de surfaces (biofilms positifs) ;
- Compenser la diminution ou suppression des teneurs en sel ou en additifs ;
- Diminuer des barèmes de traitement thermique et avoir un meilleur produit du point de vue organoleptique en maîtrisant l’apparition d’altérations.
CONCLUSION
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