L'ACV est une méthode d'évaluation normalisée (ISO 14040 et ISO 14044) permettant de réaliser un bilan environnemental multicritère et global d'un système (produit, service, entreprise ou procédé) sur l'ensemble de son cycle de vie. Elle évite les transferts de pollution d’une étape à une autre du cycle de vie mais également d’une catégorie d’impact à une autre.
Comme le montre la Figure 2, la mise en œuvre de l’ACV s’appuie sur 4 étapes pour l’ensemble du cycle de vie du produit : la définition de l’objectif et du champ de l’étude, l’analyse de l’inventaire, l’évaluation de l’impact et l’interprétation.
Figure 2. Méthodologie de l’ACV.
L’inventaire recense les flux de matières et d’énergie dans les limites des frontières du système. Le logiciel SimaPro 8.0.2 (Pré consultants, Amersfoort, Pays-Bas) est utilisé pour modéliser le cycle de vie du jambon cuit. La méthode ReCiPe (version 1.9) a été sélectionnée pour évaluer les catégories d’impact suivantes : changement climatique, acidification, eutrophisation, épuisement de l’eau et épuisement des ressources abiotiques. La demande cumulative d’énergie renouvelable et non renouvelable est déterminée par la méthode « Cumulative energy demand » version 1.08. Après l’application des facteurs de caractérisation, des indicateurs d’impact environnementaux parmi les plus utilisés selon Tukker et Jansen (2006) sont estimés et présentés pour chaque scénario. Le scénario de référence (1) correspond au jambon cuit tranché conventionnel consommé en France. Le scénario 2 représente le jambon cuit tranché traité par hautes pressions et par biopréservation consommé en France.
IV. DEMANDE ENERGETIQUE CUMULEE
Cette catégorie d’impact représente toutes les sources d’énergie non renouvelable (énergie nucléaire, pétrole, charbon, gaz naturel, …) potentiellement utilisées dans l’ensemble du cycle de vie de l’aliment. La consommation totale d'énergie primaire pour produire 1 kg de jambon est d'environ 175 MJ pour un produit conventionnel, environ 177 MJ pour un jambon avec un double traitement hautes pressions et biopréservation. Pour cet indicateur, les traitements innovants visant à réduire la quantité de nitrites nécessaires à la préservation du jambon, représentent environ 1% d’impact en plus ramené à l’unité fonctionnelle de produit. Dans tous les cas, environ 35% de cette énergie non renouvelable est issue d’énergies fossiles. 23 à 24% de cette énergie est issue de l’industrie nucléaire, ce qui semble logique au vu de la composition du mix énergétique français. La biomasse comme énergie renouvelable représente autour de 40% pour les deux scénarios. La Figure 3 met en évidence la comparaison de la consommation d’énergie en MJ pour la production et la consommation d’un jambon conventionnel et pour la production d’un jambon avec double traitement hautes pressions et biopréservation.
Figure 3. Comparaison de la Demande énergétique cumulée pour un jambon conventionnel et un jambon avec HPP + biopréservation
Après l’étape de l’élevage, la production d’un jambon cuit conventionnel implique la consommation de 1,27 kWh d’électricité et de 0,31 kWh de gaz naturel par kilo de produit. Pour le jambon avec biopréservation, l’énergie requise pour la production du ferment (estimation à 25 ppm de ferment pour la préservation d’un kg de jambon) doit être ajoutée. Elle représente de 0,003 kWh d’électricité et 0,006 kWh de gaz naturel par kilo de produit étudié. Pour cette étude, l’éclairage des installations, la ventilation, le chauffage des locaux, etc. ; n’ont pas été pris en compte.
V. INDICATEURS ENVIRONNEMENTAUX
La Figure 4 montre les résultats de la caractérisation de 4 indicateurs environnementaux (changement climatique, déplétion des ressources métalliques, déplétion d’eau, acidification terrestre, eutrophisation des eaux douces et marines) des pour les différents scénarios envisagés. Le scénario Blackhp correspond au jambon conventionnel (1) et Blackhp+hp+biop au jambon traité par hautes pressions et par biopréservation (2).
Figure 4. Contributions potentielles du cycle de vie du jambon à 4 indicateurs environnementaux
Total : Indicateur total additionnant la contribution des matières premières (MP), de la production (Prod), de la distribution (Distrib)et de la consommation (Conso)
V.1. Changement climatique
Le potentiel total de contribution au réchauffement planétaire est d’environ 13,4 kg d’équivalent CO2 par kg de produit pour tous les jambons. L’impact des hautes pressions et de la biopréservation comme étape supplémentaire du cycle de vie du jambon est négligeable. Ils représentent chacun une contribution de 0,1 % au cycle de vie du jambon cuit. Les émissions associées au traitement (600 MPa, 3 min) sont de 9 g CO2.kg-1 de jambon. D’après Pardo et Zufia (2012), la contribution des hautes pressions est de 84,5 g CO2.kg-1 de plat préparé (550 MPa, 8 min). L’écart constaté peut être expliqué en partie par la prédominance d’énergie nucléaire dans le mix énergétique français, car elle réduit les émissions de gaz à effet de serre dues à la consommation énergétique. Sur cet indicateur de réchauffement climatique, les étapes de distribution et la consommation sont négligeables pour les deux scénarios. La production des matières premières représente 46% de l'impact potentiel sur le réchauffement climatique ; et la transformation représente quant à elle 51% pour les deux scénarios.
V.2. Déplétion en eau
Le jambon conventionnel (scénario 1) représente un besoin de 10,96 m3 d’eau. La production de matière première utilise 14% de cet indicateur (1,50 m3.kg-1 de produit consommé). Les étapes de post-sevrage et d’engraissement des porcs sont responsables de ce chiffre. L’étape de production de jambon cuit contribue pour 80% (8,71 à 9,22 m3.kg-1 de produit consommé) à cette catégorie d’impact, dont 0,72 m3 pour l’opération d’abattage-découpe. La distribution et l’étape d’utilisation représentent respectivement 0,14% et de 6,36 à 6,64% de l’impact potentiel. Le jambon cuit traité par hautes pressions (scénario 2) représente un impact similaire à celui du jambon conventionnel. Le procédé hautes pressions implique un besoin additionnel de 0,285 m3 d’eau par kg de jambon cuit. Le procédé de biopréservation implique un besoin additionnel de 0,003 m3 d’eau par kg de jambon cuit.
V.3. Dégradation des milieux terrestres et aquatiques
Ces indicateurs sont représentés dans la Figure 4 par l’acidification terrestre et l’eutrophisation des eaux douces. L’indicateur d’acidification représente l’augmentation de la concentration des substances acidifiantes (polluants atmosphériques) provoquant le dépérissement des arbres, exprimé en g de dioxyde de soufre (SO2) équivalent. La production de matière première est l’étape la plus contributrice dans tous les scénarios, représentant de 79,89% (scénarios 2 et 3) à 82,10% (scénario 1) de l’impact potentiel à cause des émissions ayant lieu lors de l’élevage de porcs. L’étape de production de jambon cuit contribue de 17,31 (scénario 1) à 19,57% (scénario 3) à cet indicateur. Les étapes de distribution et de consommation ont un effet nul sur l’acidification terrestre. La contribution du traitement hautes pressions est négligeable, de même que celle de la biopréservation car elles ne représentent une majoration de l’impact que de 2%.
Les indicateurs d’eutrophisation (eaux douces et marines), reflètent la quantité de nutriments libérés dans l’environnement favorisant la prolifération de certaines espèces et qui provoque la perturbation des écosystèmes. La production de matière première contribue entre 31,3% et 31,4% à cet indicateur selon les scénarios pour l’eau douce et entre 95,39% et 95,89% à cet indicateur pour l’eau marine. La transformation est le premier poste contributeur pour l’eau douce, et le second poste pour l’eau marine. Le traitement hautes pressions contribue à cet impact à hauteur de 8,65.10-8 kg P eq.kg-1 de produit pour les eaux douces et 3,73.10-7 kg S eq.kg-1 de produit pour les eaux marines. Son impact potentiel est donc négligeable au regard des résultats de l’ensemble du cycle de vie. De même, le traitement de biopréservation contribue à cet impact à hauteur de 1,91.10-6 kg P eq.kg-1 de produit pour les eaux douces et kg S eq.kg-1 de produit pour les eaux marines. Son impact potentiel est également négligeable.
CONCLUSION