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Cette étude a permis de mettre en évidence le rôle combiné de la température de conservation et de l’activité de l’eau sur le risque de développement de Staphylococcus aureus dans le jambon sec tranché, conditionné sous atmosphère protectrice. Elle a permis de souligner qu’une faible activité de l’eau n’est pas suffisante pour contrôler le développement de S. aureus dans des jambons secs tranchés conservés à température ambiante. En effet, le développement de S. aureus est principalement tributaire de la température et de l’activité de l’eau en lien avec le taux de sel et la durée d’affinage des jambons.
Les dangers microbiologiques liés à l’élaboration de jambons secs sont très différents en fonction de leur stade de fabrication. Lorsque le produit est entier, les risques de contamination en germes pathogènes tels que Listeria monocytogenes, Salmonella ou Staphylococcus aureus ne peuvent se manifester qu’à sa surface si le jambon frais n’a pas subi de perforations pouvant être à l’origine d’une contamination par des microorganismes pathogènes depuis le contenu digestif. A l’issue du procédé de fabrication, le jambon sec peut être désossé puis tranché et son innocuité ou son aptitude à se conserver dépendent alors de ses caractéristiques physico-chimiques, et en particulier de son aw. La réduction des teneurs en sel opérée ces dernières années pour répondre aux demandes des pouvoirs publics et des consommateurs a des répercussions sur l’aw qui tend à augmenter et par conséquence sur la stabilité microbiologique des produits finis désossés ou tranchés (Picgirard et al., 2012).
Compte tenu de leurs caractéristiques physico-chimiques en fin de fabrication (aw proche de 0,92 et pH compris entre 5,8 et 6) et de la température de conservation actuelle de +8°C (arrêté du 21/12/2009 et note DGAL/SDSSA/N2012-8054 du 8 mars 2012), les jambons secs tranchés peuvent être exposés à différents dangers microbiologiques. Les propriétés de croissance de Listeria monocytogenes sont généralement incompatibles avec leurs caractéristiques physico-chimiques, mais Salmonella ne semblerait a priori pas être un danger majeur compte tenu de son aw minimale de développement de 0,94 en moyenne (Anses, 2011). Si S. aureus ne représente pas de danger microbiologique au regard des températures de circuits de distribution actuels (Anses, 2011), il pourrait constituer un danger émergent dans le cadre du développement de nouveaux circuits de commercialisation à température ambiante de jambons secs tranchés. En effet, des études relatent une forte relation entre l’activité de l’eau des produits de salaisons sèches, leurs conditions de conservation, et notamment la température de stockage, et la prévalence en S. aureus ou sa toxinogénèse (Rajkovic, 2012, Portocarrero et al., 2002, Untermann et al., 1992). Ces études montrent qu’aucune production d’entérotoxines n’est détectée dans un délai de 7 jours à +20°C dans des jambons avec une aw de 0,920, tandis qu’elle se manifeste si la température de conservation augmente. Dans des jambons dont l’aw est proche de 0,890, la production d’entérotoxines est détectée au bout de 7 jours de conservation à 35°C (Untermann et al., 1992). Rajkovic (2012) a montré que la production de toxines peut être observée à 22°C, 37°C mais pas à 12°C, ceci indépendamment du mode de conditionnement, sous vide ou sous atmosphère protectrice. La forte dépendance de la toxinogénèse aux valeurs d’aw des produits a également été démontrée sur des jambons secs de campagne du Kentucky (Portocarrero et al., 2002).
Compte tenu de cet état des lieux, il semble important d’évaluer le risque lié à S. aureus dans les jambons secs élaborés selon les usages français en fonction de l’aw et de la température de conservation. Au regard des outils désormais disponibles, le recours à la microbiologie prévisionnelle peut en plus, apporter aux professionnels la possibilité d’investiguer un champ large de combinaisons de valeurs d’aw et de température de conservation susceptibles de permettre la croissance de S. aureus. Ainsi, l’objectif de cette étude était d’évaluer l’impact de différentes valeurs d’aw sur le comportement de S. aureus dans le jambon sec tranché et de prédire la croissance de ce germe par microbiologie prévisionnelle.
I.1. Sélection de jambons secs à teneurs en sels différenciés
Cinq types de jambons secs (de 3.25 mois à 12 mois d’affinage) ont été sélectionnés sur une large gamme de valeurs d’aw variant de 0,900 à 0,950 +/- 0,005 :
Une partie des jambons a été fournie par des industriels et deux catégories de jambons ont été produites spécifiquement selon un cahier des charges établi par PYRAGENA, la station expérimentale du Consortium du Jambon de Bayonne à Arzacq (64) pour obtenir des produits avec des valeurs d’aw élevées supérieures à 0,930 (aw définie comme moyenne ci-dessus). Il s’agissait de jambons à teneur réduite en sel et/ou à humidité élevée. 2 types de jambons ont été fabriqués :
Pour limiter la variabilité de l’aw, seules les sous noix de ces jambons ont été utilisées pour la réalisation des essais expérimentaux. Le Tableau 1 résume les caractéristiques des jambons étudiés et les valeurs de pH et d’aw mesurées.
I.2. Mise en œuvre des tests de croissance (challenge-tests)
Des tests de croissance (challenge-tests) ont été effectués par contamination en surface des tranches des jambons secs afin de simuler une recontamination après fabrication et/ou au cours du tranchage. Les tests ont été conduits dans le respect des lignes directrices de la norme NF V 01-009 (Traçabilité et sécurité des aliments - Management et hygiène - Lignes directrices pour la réalisation des tests de croissance microbiologiques - version 2014). La contamination artificielle des tranches de jambon a été effectuée à l’aide de la souche clinique de S. aureus MW2, productrice d’entérotoxines A et C.
La souche conservée congelée sous forme de cryobilles (- 80°C) a été revivifiée et préparée selon le protocole de la norme NF V01-009. La mise en culture a été effectuée par repiquage de 0,1ml dans 10 ml de milieu de culture BHI (pendant 24h à 30°C). Ensuite, deux repiquages successifs ont permis d’obtenir la culture destinée à la contamination des produits (en fin de phase exponentielle ou début de phase stationnaire). Après deux centrifugations successives, les culots ont été mis en suspension dans 10 ml d’eau physiologique. Des dénombrements ont été effectués sur milieu BHI et milieu sélectif pour S. aureus (RPF Rabbit Plasma Fibrinogen) et la solution bactérienne a été stockée à 4°C pendant 24h avant inoculation. Après numération, la concentration a été ajustée de façon à inoculer les tranches à raison de 2 ± 0.5 log UFC/g.
L’inoculation a été effectuée par pulvérisation à la surface des tranches avec un volume de solution d’ensemencement standard sur une masse standardisée de 30 g, correspondant à 3 tranches. Le volume apporté a été calculé de manière à ne pas excéder un rapport poids/volume de 1/100, évitant ainsi une augmentation de l’activité de l’eau du produit. A noter que les témoins destinés aux mesures physico-chimiques ont été inoculés avec un volume équivalent d’eau physiologique.
Les produits inoculés ont été ensuite conditionnés sous atmosphère protectrice (70%N2/30%CO2) et mis en conservation à une température de 20°C, 15°C ou 8°C (Tableau 1).
Trois séries de challenge-tests ont été effectuées pour évaluer l’impact des combinaisons aw / température.
I.3. Suivis analytiques au cours de la conservation
Pour chaque challenge-test correspondant à une condition aw / température, des durées de stockage spécifiques ont été définies, afin d'obtenir une cinétique de croissance ou de conclure à l'absence de croissance (Tableau 1). Le dénombrement de S. aureus ainsi que les mesures du pH et de l’aw sur les échantillons témoins non inoculés ont été effectués à 10 ou 11 stades, choisis en fonction du couple aw / température. De plus, pour chaque condition, un dénombrement de S. aureus endogène et des bactéries lactiques a été systématiquement réalisé à J0 (après conditionnement) et à la fin de la durée de conservation définie sur les échantillons témoins.
Pour chaque condition et chaque échéance, les suivis analytiques ont été effectués selon 3 répétitions (n = 3).
Les analyses microbiologiques ont été effectuées selon les normes en vigueur. Les échantillons ont été préparés selon la norme ISO 7218 (2007) par broyage de 25 g de produit dans 225 ml d’eau peptonnée. Le dénombrement de S. aureus a été ensuite réalisé selon la norme NF EN ISO 6888-2 sur milieu Baird Parker supplémenté avec du RPF (Rabbit Plasma Fibrinogen, Oxoid, France). Les bactéries lactiques ont été dénombrées sur milieu MRS (Man Rogosa & Sharpe, Oxoid, France) selon la norme NF ISO 15214.
La mesure de pH (norme ISO 2917) a été effectuée sur un broyat (broyage de 10g de produit dans de l’eau distillée) avec l’électrode LE 427-57 (Mettler-Toledo). L’activité de l’eau (ISO 21807) a été déterminée à l’aide de l’appareil Aqualab série 3TE sur un broyat de 30g de produit.
I.4. Dosage des entérotoxines staphylococciques
Les toxines staphylococciques A et D ont été dosées dans quelques cas lorsque la population du germe ensemencé dépassait le seuil de 105 UFC/g. En effet, dans certaines catégories de produits laitiers (règlement européen CE 2073/2005), le dosage d’entérotoxines staphylococciques est requis lorsque le niveau de population de S. aureus excède ce taux. Cinq dosages ont été effectués. Ils ont été confiés au Laboratoire de Sécurité des Aliments de Maisons-Alfort, unité Staphylocoques, Bacillus, Clostridies et Lait (SBCL), équipe Staphylocoques (LNR SCP) de l’ANSES. La méthode employée était une recherche d’entérotoxines staphylococcique par dialyse / concentration suivie d’une confirmation par ELISA quantitatif (méthode CAT BAC 16 anciennement intitulée CAT BAC.03). A titre informatif (et pour corroborer les résultats obtenus par le test ELISA quantitatif), ces échantillons ont également été analysés par la méthode Vidas SET2, qui est un test ELFA qualitatif, permettant d'indiquer de façon globale si l'échantillon est positif en toxine staphylococcique de type A à E.
I.5. Simulations de croissance de S. aureus par microbiologie prévisionnelle
Les courbes de croissance obtenues par challenge-tests ont fait l’objet d’un ajustement et les paramètres de croissance déterminés ont été exploités par microbiologie prévisionnelle. Le module de croissance probabiliste Sym’Previus (www.symprevius.eu) a été utilisé afin de simuler la croissance de S. aureus et la probabilité de dépasser le seuil fixé de 5 log (UFC/g) en fin de conservation en tenant compte de la variabilité des caractéristiques physico-chimiques des jambons (aw et pH) et de la température de conservation. A noter que les modèles de microbiologie prévisionnelle disponibles ne permettent pas de simuler la toxinogénèse mais permettent d’estimer le délai nécessaire pour atteindre des niveaux de contamination susceptibles d’induire cette production de toxines.
II.1. Résultats des analyses microbiologiques des jambons secs témoins non inoculés
Les résultats des dénombrements des bactéries lactiques et des S. aureus endogènes des témoins non ensemencés sont donnés dans le Tableau 2. Malgré le contrôle des produits avant la mise en œuvre des tests de croissance, un échantillon montre une présence de S. aureus endogène à une concentration initiale de 1,43 log UFC/g (aw 0,914/20°C) et qui atteint en fin de conservation (J60), une population de 3,85 log UFC/g. Pour trois autres produits dans lesquels S. aureus n’a pas été détecté au départ (résultats inférieurs au seuil de quantification de 100 UFC/g), on note une présence significative en fin de conservation de l’ordre de 5,67 log UFC/g (aw 0,931/20°C), 3,61 log UFC/g (aw 0,960/15°C) et 2,25 log UFC/g (aw 0,939/20°C). Ces résultats soulignent d’une part, l'importance de la variabilité d'échantillonnage et d’autre part, l'impact de la température de conservation (20°C notamment) sur la croissance de S. aureus sur des produits naturellement contaminés. Pour ce qui concerne les bactéries lactiques, selon le lot de jambon considéré, les numérations en fin de conservation varient de <1 à 8,43 log UFC/g.
II.2. Evolution de la souche de S. aureus inoculée au cours de la conservation des jambons secs
Dans la première série de challenge-tests réalisés à une température de 15°C, au cours de la conservation, les résultats des dénombrements de la souche de S. aureus inoculée (Figure 1) montrent que des aw inférieures à 0,890 sont de nature à inhiber la croissance de S. aureus. Alors que les aw supérieures à 0,940 permettent une croissance significative du germe avec un potentiel de croissance de +1.5 log UFC/g minimum. Les valeurs d’aw proches de la valeur de 0,920 constituent le seuil limite de croissance à la température de 15°C car on observe une croissance modérée de l’ordre de +0,5 log UFC/g.
Dans la seconde série de tests de croissance (Figure 2), les courbes de croissance obtenues montrent qu’à la température de conservation de +8°C, aucune croissance de S. aureus ne se manifeste même pour des aw supérieures à 0.95. Ce résultat confirme bien que les pratiques de conservation au froid préconisées par les industriels producteurs de jambons secs tranchés ou désossés permettent de maitriser le danger S. aureus. A 15°C, aucune croissance de S. aureus n’est observée pour les jambons dont l’aw vaut 0,900 / 0,910. Pour les tranches de jambons secs dont l’aw était inférieure à 0,930, aucune croissance de S aureus n’a été constatée à une température de conservation de +15°C alors qu’au cours du challenge-test (Figures 1 et 2), une croissance modérée mais non significative (+0,5 log UFC/g) avait été notée pour des jambons dont l’aw moyenne était de 0,921 +/- 0,006. Pour ce test de croissance, un faible potentiel de croissance (+0,44 log UFC/g) a été noté à J27, échéance pour laquelle la valeur d’aw mesurée était élevée (0,937). Ces résultats peuvent être liés à l’incertitude de mesure et/ou à la variabilité de l’échantillonnage en termes d’aw et de la population des bactéries lactiques endogènes. Par contre, à température de +20°C, on observe une forte croissance de S. aureus dans la plage d’aw de la référence de 0,920/0,930 avec un potentiel de croissance de plus de 3 log UFC/g. Pour confirmer ce dernier résultat, la dernière série de challenge-tests a été menée sur d’autres lots de jambons à la température de 20°C pour des valeurs d’aw proches de la valeur moyenne (aw = 0,920) soit 0,914, 0,929 et 0,937. Les résultats donnés dans la Figure 3 confirment cette forte croissance, très rapide dès les premiers jours de conservation et qui dépasse les 5 log UFC/g en fin de durée de conservation. La température et l’aw ont un impact très significatif sur la croissance de S. aureus et des valeurs d’aw supérieures à 0,910 / 0,920 comme une température de +20°C, sont favorables à une croissance rapide de S. aureus qui doit être considéré comme un réel danger microbiologique pour les jambons secs commercialisés à température ambiante.
II.3. Dosage des entérotoxines staphylococciques
Les résultats des dosages et de détection des toxines staphylococciques dans les échantillons de tranches de jambons secs contaminés sont donnés dans le Tableau 3. Les limites de détection sont de 0,018 ng/ml pour les entérotoxines de type A et 0,015 ng/mL pour les entérotoxines de type C. Les limites de quantification sont de 0,056 ng/ml pour les entérotoxines de type A et C. Même si les populations de S. aureus ont pu se développer fortement dans ces échantillons, la quantité de toxine produite est très faible pour les échantillons 1, 2, 3 et 5. Seul l’échantillon 4, qui présente d’ailleurs la population de staphylocoques la plus importante (6,39 log UFC/g), présente une quantité de toxines proche du seuil de quantification. Ces résultats corroborent les recommandations formulées dans le guide de gestion des alertes de la DGAL (version juillet 2009). Il préconise en effet une recherche des entérotoxines staphylococciques, si le résultat des dénombrements de S. aureus est supérieur à 105 UFC/g. Concernant la quantité d'entérotoxines C à partir de laquelle le produit peut être considéré comme dangereux pour la santé, peu de données sont disponibles. En revanche, pour la toxine staphylococcique A, quelques données de la littérature, à partir d'épisodes toxiques (notamment une TIAC ayant eu lieu au Japon en 2000), font référence de doses estimées à 20-40 ng pour les populations sensibles.
II.4. Simulation de la croissance de S. aureus par microbiologie prévisionnelle
L’objectif des simulations était double. Le premier but était de définir l’interface croissance / non croissance de S. aureus dans la matrice jambon sec en fonction de la température et de l’aw. En cas de présence de S. aureus en fin de fabrication à un niveau de contamination de 100 UFC/g correspondant au seuil de dénombrement de la méthode d’analyse (norme NF EN ISO 6888-2), le second but était de déterminer la durée de conservation au-delà de laquelle les populations atteintes seraient supérieures à 105 UFC/g. Ce seuil de 105 UFC/g correspond au seuil d’alerte établi par la DGAL pour S. aureus (DGAL, Guide de gestion des alertes, 2009).
Les simulations ont eu pour objectif :
Les courbes de croissance obtenues par challenge-tests ont été ajustées avec le logiciel de microbiologie prévisionnelle Sym’Previus. Ces ajustements ont permis de déterminer le taux de croissance (µmax) et le temps de latence (lag). En utilisant les valeurs cardinales d’un pool de souches de S. aureus (disponibles dans la base de donnée Sym’Previus), le logiciel calcule ainsi les paramètres de croissance (taux de croissance et temps de latence : µopt et lagopt) dans le jambon sec en conditions optimales de température, pH et aw (Tableau 4). Les µopt varient de 0,27 à 0,67 h-1 selon la cinétique utilisée. Ces taux de croissance optimaux sont plus faibles que ceux issus de la littérature en milieu de culture (µopt de 1,4 h-1) ou en matrice viande fraîche (µopt de 1,72 h-1) (ICMSF, Microorganisms in foods, Blackie Academic & Professional, 1996). La nature de la matrice jambon sec, ainsi que la présence d’une communauté microbienne indigène abondante, ont un impact important sur le développement de S. aureus.
Les résultats des simulations sont fournis dans les Tableaux 5 et 6. Ils montrent qu’en condition de température maîtrisée (+8°C), aucune croissance de S. aureus n’est observée dans un délai de 120 jours, dans des zones musculaires du jambon sec à aw inférieure à 0,950 (zones vertes). A la température de +20°C, seules des valeurs d’aw inférieures ou égales à 0,890 sont de nature à bloquer la croissance de S. aureus. Or, peu de produits répondent à ces caractéristiques en tous points du jambon, notamment dans les zones humides et peu salées telles que le jarret. Compte tenu de ces résultats, S. aureus doit donc être considéré comme un réel danger microbiologique pour les jambons secs tranchés dont l’aw ne serait pas en tout point inférieure ou égale à 0,89 commercialisés à température ambiante (zones rouge/orange).
La confrontation de ces simulations aux données expérimentales montre que ces simulations sont sécuritaires et surestiment légèrement la croissance pour l’aw limite de 0,910. Par ailleurs, ces simulations sont également sécuritaires compte tenu que la souche MW2 choisie pour la réalisation des tests de croissance s’est avérée plus tolérante aux basses aw.
Dans des conditions de conservation réglementaires actuellement pratiquées par les professionnels (+8°C), les résultats de cette étude montrent qu’aucune croissance de S. aureus n’est observée dans un délai de 120 jours de conservation, dans des zones musculaires du jambon sec dont l’aw est inférieure à 0,950.
En revanche, à température ambiante représentée ici par des tests réalisés à +20°, seules des valeurs d’aw inférieures ou égales à 0,890 sont efficaces pour bloquer la croissance de S. aureus durant 120 jours. En dehors de cette condition (aw ≤ 0.89), la température et l’aw ont un impact significatif sur la croissance de S. aureus : des valeurs d’aw supérieures à 0,910 / 0,920, combinées à une température de +20°C, semblent favorables à une croissance rapide de cette bactérie pathogène. Les dosages de toxines staphylococciques effectués sur quelques échantillons de jambons secs confirment la pertinence du seuil de 105 UFC/g de S. aureus comme critique pour déclencher la recherche de ces toxines. Ils démontrent aussi que le risque de présence de ces toxines sur des jambons secs tranchés, conservés à température ambiante existe. Il faut par ailleurs noter, que pour un inoculum initial moyen de 100 UFC/g de S. aureus, seuls 20 échantillons de jambons secs sur les 300 analysés lors des tests de croissance, ont atteint des populations supérieures à 105 UFC/g avec une population maximale de 3,3 106 UFC/g.
Des études scientifiques sur l'impact des valeurs de aw et de la température sur la bactérie S. aureus sont disponibles mais une grande majorité a été conduite dans des conditions de laboratoire mimant les conditions du jambon sec et non sur produits réels fabriqués dans des conditions industrielles (Portocarrero et al., 2002, Rajkovic, 2012, Reynolds et al., 2001, Untermann et Müller, 1992). En 2001, Reynolds et al. ont été les premiers à avoir évalué le rôle du procédé du jambon sec sur la maitrise de plusieurs bactéries pathogènes, incluant S. aureus. Ces auteurs ont montré que les interactions entre la concentration en sel (8%), le pH (5.5), l’aw (0.92) et la température de conservation de 20°C permettent un léger développement de S. aureus de l’ordre de + 0.5 log UFC/cm², sans production d’entérotoxines. Cependant, cette étude (Reynolds et al. 2001) a été menée sur des jambons avec une concentration en sel très élevée. In vitro, Valero et al. (2009) ont montré que la croissance de S. aureus pouvait survenir à un pH de 4,5 pour des valeurs d’aw allant de 0,915 à 0,960 à des températures supérieures à 13°C. Rajkovic (2012) a également montré que la production d'entérotoxines staphylococciques est possible sur des jambons secs conditionnés sous vide ou sous atmosphère protectrice, conservés à 20°C et à 37°C ; Cependant, ces auteurs n’ont pas observé de production à une température de 12°C.
Enfin, cette étude souligne l’hétérogénéité de l’aw dans différents points d’une même tranche. Les zones sensibles telles que le jarret dont les valeurs d’aw peuvent atteindre 0,950, (car humide, peu salé et soumis aux contaminations compte tenu des opérations de désossage) doivent être privilégiées lors de l’échantillonnage par rapport à des mesures moyennes sur des tranches complètes.
Références :
AFNOR (2014). Norme NFV 01-009 - Lignes directrices pour la réalisation de tests de croissance microbiologique.
ANSES (2011). Fiche de description de danger biologique transmissible par les aliments / Staphylococcus aureus et entérotoxines staphylococciques.
Arrêté du 21 décembre 2009 relatif aux règles sanitaires applicables aux activités de commerce de détail, d’entreposage et de transport de produits d’origine animale et denrées alimentaires en contenant (JORF, 31/12/2009).
DGAL (2009). Guide d’aide à la gestion des alertes d’origine alimentaire entre les exploitants de la chaîne alimentaire et l'administration lorsqu'un produit ou un lot de produits est identifié. Version révisée du 02/07/2009.
FCD (2016). Critères microbiologiques applicables aux activités de fabrication, préparation, découpe ou simple manipulation des denrées nues, en rayon "à la coupe" et en atelier magasin.
Guide des Bonnes Pratiques d’Hygiène industries charcutières, FICT
ICMSF (1996). Microorganisms in foods, Blackie Academic & Professional.
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Picgirard L., Monziols M. (2012). Impact du mode de salage de jambons secs sur l’évolution du taux de sel et de l’aw des masses musculaires au fil du procédé. 14èmes Journées des Sciences du Muscle et Technologie des Viandes, 13 - 14 Novembre 2012, Caen, France [Poster]
Potocarrero S., Newman M. (2002). Staphylococcus aureus survival, staphylococcal enterotoxin production and shelf stability of country-cured hams manufactured under different procedures. Meat science, 62(2), p. 267-273.
Règlement européen (CE) n°2073/2005, modifié par le règlement (CE) n°1441/2007, concernant les critères microbiologiques applicables aux denrées alimentaires.
Rajkovic. A. (2012). Incidence of growth and enterotoxin production of Staphylococcus aureus in insufficiently dried traditional beef ham "govdja prsuta" under different storage conditions. Food control, 27(2), p. 369-373.
Reynolds, A.E, Harrison, M.A , Rose-Morrow, R., Lyon, C.E, (2001). Validation of Dry Cured Ham Process for Control of Pathogens. Journal of Food Science, 66, 1373–1379.
Untermann F., Müller C. (1992). Influence of aw value and storage temperature on the multiplication and enterotoxin formation of staphylococci in dry cured ham. International Journal of Microbiology, 16(2), 109-115.
Valero A., Pérez-Rodríguez F., Carrasco E., Fuentes-Alventosa J.M., García-Gimeno R.M., Zurera G. (2009). Modelling the growth boundaries of Staphylococcus aureus: Effect of temperature, pH and water activity. International Journal of Microbiology 133, 186–194.
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