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Cette étude visait à explorer d’un point de vue microbiologique les avantages et les inconvénients de différentes températures de décongélation, avec comme finalité d’aider les industriels concernés dans l’établissement d’un procédé de décongélation en adéquation avec leurs pratiques, la préservation de la qualité microbiologique des viandes et la maîtrise des rendements. Deux types de matières premières fraîches porcines ont été étudiés : des minerais de viande et des noix de jambon.
CONTEXTE ET OBJECTIFS
Dans la filière de la charcuterie/salaison, les matières premières porcines utilisées dans les processus de fabrication des produits [salaison sèche, charcuterie cuite et crue …] peuvent être des viandes fraîches ou congelées, en fonction des approvisionnements et de la gestion des stocks. Dans le cas des viandes congelées, un processus de décongélation propre à chaque industriel est pratiqué et dépend de la température appliquée (décongélation lente, rapide ou pas de décongélation) et de la technique de décongélation.
Le compromis entre les différentes modalités citées est souvent délicat à trouver pour les opérateurs car si une décongélation lente en chambre froide (3°C) s’avère respectueuse de la qualité du produit, sa durée excessive ne peut pas toujours répondre aux critères de productivité et de réactivité espérés.
Dans le cas inverse, la mise en place de cycles trop rapides (température élevée) peut présenter des inconvénients sur le plan de la sécurité sanitaire.
De plus, à ce jour, les professionnels du secteur disposent de très peu d’informations sur cette étape de décongélation, à l’exception d’un programme ACTIA (Association de Coordination Technique pour l'Industrie Agro-alimentaire) mené par l’Adiv en partenariat avec plusieurs centres techniques et de recherche (Agir, Agrohall, Ifip, Inra de Theix) (Thomas-Parafita et al., Année 2008).
De ce fait, aucun travail ne leur permet de connaître l’impact des modes de décongélation sur (i) la qualité microbiologique (flores pathogène et altérante) et (ii) les pertes matières des viandes destinées à la fabrication de leurs produits.
Ce programme a eu pour but d’explorer, d’un point de vue microbiologique, les avantages et les inconvénients des pratiques de décongélation (les plus courantes), avec comme finalité d’aider les industriels dans l’établissement d’un procédé de décongélation en adéquation avec leurs pratiques, la préservation de la qualité microbiologique des viandes et la maîtrise des rendements technologiques.
I. 1. MATERIEL ET METHODES
A noter que l’intégralité des essais de décongélation a été conduite au sein de l’atelier technologique P2+ de l’ADIV équipé de matériels pilotes de façon à pouvoir réaliser la contamination artificielle, techniquement très lourde. Même si les conditions testées ont été définies de façon à se rapprocher le mieux possible des pratiques industrielles, les essais ont dû être menés sur des poids d’échantillonnage moins conséquents que ceux rencontrés en entreprise, d’où l’obtention de cinétiques de température parfois plus courtes. Au-delà des barèmes temps/température, ce projet a aussi été conçu de façon à pouvoir indiquer aux industriels des seuils critiques de températures (en ambiance et ou en surface des produits) susceptibles d’engendrer des risques sanitaires et/ou d’altération.
I.1. Choix des matières premières
Il a été décidé de mener l’étude sur deux types de matières premières fraîches, la première utilisée en salaisons sèches et la seconde davantage destinées aux charcuteries cuites :
1. du minerai de viande (80% de maigre (épaule) et 20% de gras (bardière)) moulé sous forme de pains de 4 kg dans des bacs Europe de dimension 300*200*120 mm
2. des noix de jambon (3% de matières grasses) d’environ 1.5 à 2 kg, muscles nobles réputés pour être un des meilleurs morceaux du jambon. Pour se rapprocher au mieux des pratiques industrielles, les viandes ont été placées une nuit dans un tunnel de surgélation à -25°C afin d’atteindre rapidement une température à cœur des noix et des pains de viande de -18°C.
Une fois les produits surgelés, ils ont été placés dans une cellule de congélation à -18°C pendant au moins 15 jours pour stabiliser la viande avant de lancer les cycles de décongélation.
I.2 Espèces bactériennes ensemencées et mode d’inoculation
Pour la mise en œuvre du challenge-test, deux types de bactéries pathogènes ont été étudiés: Listeria monocytogenes et Salmonella. Ces deux espèces représentent les deux bactéries pathogènes réglementaires car susceptibles de contaminer les viandes de porc (règlement (CE) n°2073/2005 – Paquet Hygiène).
Par genre bactérien, un mélange de 2 souches isolées de viande de porc a été inoculé. Dans le cas de Salmonella, 1 souche de S. Typhimurium et 1 de S. Derby ont été retenues puisqu’étant les 2 sérotypes majoritairement identifiés dans la filière porcine.
Concernant les pains de viande, l’ensemencement des bactéries pathogènes a été réalisé dans la masse alors que pour les noix de jambon, l’inoculation a été effectuée en surface uniquement ; le cœur du muscle étant stérile en amont des étapes de découpe, hachage…..
Quel que soit le type de matière première et quelle que soit la souche, le taux d’inoculation visé était de l’ordre de 3-4 Log10ufc/g, taux préconisé pour la réalisation des challenge-tests car permettant de mesurer par dénombrement l’impact d’une croissance et/ou survie.
I. 3. Résultats des caractérisations
o Cycles de tempérage et de décongélation
1. Décongélation lente Cycle Témoin
• Ambiance à +3-4°C jusqu’à l’obtention d’une T°C à cœur de -2°C (cas tempérage) ou de +2°C (cas décongélation)
2. Décongélation rapide Cycle le plus « critique » sur le plan sanitaire
• Ambiance à +20°C jusqu’à l’obtention d’une T°C à cœur de -2°C (cas tempérage) ou + 2°C (cas décongélation)
3. Décongélation intermédiaire
• Tempérage : Ambiance à +7°C jusqu’à l’obtention d’une T°C en surface de + 0°C puis transfert à une ambiance à +0°C jusqu’à l’obtention d’une T°C à cœur de - 2°C.
• Décongélation complète : Ambiance +14°C jusqu’à l’obtention d’une T°C en surface de +4°C puis transfert des viandes à une ambiance à +4°C jusqu’à l’obtention d’une T°C à cœur de +2°C. o La valeur seuil en surface définie pour cette dernière modalité étant de +6°C.
Les cycles de tempérage (consigne : -2°C à cœur) ne concernent que les pains de viande alors que ceux de la décongélation (consigne : +2°C à cœur) ont été appliqués pour les deux matrices (noix de jambon, minerais).
Concernant le niveau d’hygrométrie, les mesures faites pour l’ensemble des cycles ont montré en moyenne des valeurs proches de 85%. A noter également que les étuves et les chambres froides utilisées fonctionnent en froid ventilé.
Tableau 1 : schéma récapitulatif
I.4. Prélèvements et Suivis microbiologiques
Pour chaque modalité et afin d’évaluer l’impact des modes de décongélation sur la qualité microbiologique des viandes congelées, des prélèvements ont eu lieu :
- après ensemencement des bactéries pathogènes (soit juste avant surgélation) pour évaluer la charge précise de l’inoculum ensemencé ;
- à l’issue du tempérage ou de la décongélation selon les cas ;
- dans les cas de décongélation, 48 heures après conservation des viandes à +4°C pour connaître l’évolution des germes lors d’un stockage.
Les dénombrements selon les normes en vigueur ont concerné : Listeria monocytogenes (ISO 1190-2), Salmonella (méthode interne), la flore totale (NF EN ISO 4833) ainsi que deux flores endogènes majoritaires : la flore lactique (NF EN ISO 15214) et les Pseudomonas spp. (NF V 04 504).
I.2. RESULTATS OBTENUS, DISCUSSION
I.2.1. Matériel et méthodes
Il ressort notamment que, pour des hygrométries de l’ordre de 85% (propice à la croissance bactérienne), un risque sanitaire (ex : développement Listeria et/ou Salmonella) est avéré à partir d’une température de surface d’environ 10°C. Dans les conditions testées, ce seuil n’a d’ailleurs jamais été atteint pour les noix contrairement aux pains de viande pour les cycles à +20°C.
Le fait de pratiquer des températures d’ambiance plus élevées (>14°C) peut s’avérer préjudiciable en matière de potentiel d’altération des produits. En effet, en se référant à l’indicateur Pseudomonas, germe capable de se développer au froid et sous air (aérobie strict), dès atteinte de températures en surface supérieures à 2°C, les dénombrements obtenus soulignent des taux de croissance pouvant aller de 2 à 4 Log10 ufc/g ; ce phénomène est accéléré lors de l’application d’une étape de stockage à 4°C pendant 48h après décongélation (Figure 1 et 2).
Pour conclure sur les aspects microbiologiques, la flore lactique a montré la même évolution pour chaque matrice carnée et chaque barème de température appliqué. Une augmentation de la flore lactique de 2 à 3 Log10 ufc/g a été observée durant la décongélation (ou le tempérage) suivie par une phase de stabilisation au cours du stockage (Figure 1 et 2).
Ce palier à 5 Log10 ufc/g durant les 48 heures de conservation à +4°C s’explique car la flore lactique ne peut croître davantage sous air (contrairement à un conditionnement sous-vide par exemple).
Figure 1 : Evolution microbienne en surface d’une noix de jambon lors d’une décongélation à +3-4°C
Figure 2 : Evolution microbienne en surface du pain de viande lors d’une décongélation à +20°C
Concernant les pertes de poids, l’impact du facteur température d’ambiance n’a globalement pas engendré de grandes variations entre les cycles au sein de chaque série d’essais (tempérage des minerais, décongélation des minerais et décongélation des noix). A noter que les pertes ont été un peu plus fortes pour les noix de jambon de par leur pourcentage d’humidité qui est en moyenne de 74% contre 61-62% pour les pains de viande.
I.3. Conclusion générale
Figure 3 : tableau synthétique des résutats et conclusions
Remerciements
Le présent projet a été rendu possible grâce au soutien financier d'APRIVIS (Association pour la Promotion de la Recherche et l'Innovation dans la transformation des Viandes et la Salaison) et à l'implication de 3 industriels du secteur charcuterie/salaison dans les comités de pilotage.
Références : Thomas-Parafita E., Lemoine E., Agoulon A., Papillon J., Martin J.-L., Foucat L., Cuvelier G. Année 2008. Les procédés de tempérage/décongélation : quelles incidences sur la qualité technologique du minerai et la qualité organoleptique des saucissons secs? Viandes Prod. Carnés Vol 26 (3).
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