La revue Viandes et produits carnés

La revue française de la recherche en viandes et produits carnés  ISSN  2555-8560

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 HYGIENE ET SECURITE SANITAIRE

 
 

Challenge-test et bactéries sporulées

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Quelles pratiques pour la  mise en œuvre des challenge-tests « produits » et « procédés » pour les bactéries sporulées ?

Les professionnels sollicitent les centres techniques pour la mise en œuvre de challenge-tests appliqués aux bactéries sporulées afin de valider leur plan de maîtrise sanitaire, leurs procédés de fabrication et d’estimer/valider la durée de vie des aliments qu’ils fabriquent. La norme NF-V01-009 relative aux lignes directrices pour la réalisation des challenge-tests a été rédigée pour les bactéries végétatives mais les bactéries sporulées n’ont pas été considérées. Dans ce contexte, les membres du RMT 07.01 (http://www.actia-asso.eu/fiche/rmt-3-duree_de_vie_des_aliments.html) ont identifié une action de recensement du savoir-faire des organismes français pratiquant les challenge-tests « sporulés » ainsi que les pratiques publiées dans la littérature scientifique.

bacterie-sporulee image redLes bactéries sporulées les plus fréquentes dans les aliments appartiennent aux genres Bacillus et Clostridium. La majorité des espèces sont des flores d’altération des aliments (coagulation du lait, développement d’odeurs, gonflement des boîtes de conserve et des emballages…); certaines espèces peuvent être pathogènes pour l’homme et agissent par l’intermédiaire de toxines. Clostridium botulinum, agent du botulisme, est sans doute l’espèce la plus connue. Clostridium perfringens et Bacillus cereus, agents de gastro-entérites, sont plus fréquentes mais moins dangereuses.

Les genres Bacillus et Clostridium sont thermorésistants grâce à la formation de spores qui les rendent capables de (i) supporter des températures supérieures à 100°C pour des durées de traitement de plusieurs minutes, (ii) de résister à la cuisson des aliments et (iii) de s’y multiplier potentiellement durant la conservation. Pour palier à cette problématique, les industriels ont développé des stratégies pour détruire les spores (traitements thermiques comme l’appertisation ou le traitement UHT) ou inhiber le développement des formes végétatives et sporulées via l’acidification, l’ajout de sel ou d’additifs de conservation.

Actuellement, pour une forte proportion de nouveaux produits, une démarche de respect des caractéristiques sensorielles et nutritionnelles conduit à une cuisson modérée, une réduction ou une suppression des ajouts de sels, d’acides organiques ou d’additifs (démarche Clean Label). Ces modifications de procédés de maîtrise des bactéries sporulées sont potentiellement à l’origine d’altérations des denrées alimentaires. Par ailleurs, en référence au rapport publié par l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) en 2008, C. perfringens et B. cereus ont été identifiés comme responsables de Toxi-Infections Alimentaires Collectives (TIAC), les situant respectivement au 4ème et 5ème rang des cas d’hospitalisation. Dans ce contexte, les centres ITAI (Institut Technique Agro-industriel) sont fréquemment sollicités par les professionnels de l’agroalimentaire pour la réalisation de challenge-tests, qui consiste à l’ensemencement artificiel et maîtrisé de l’aliment par une bactérie sporulée, afin de valider leur plan de maîtrise sanitaire, leurs procédés de fabrication et d’estimer/valider la durée de vie des aliments qu’ils fabriquent. Pour cette mise en œuvre, les centres ont développé leur propre savoir-faire car la norme NF V01-009 (Lignes directrices pour la réalisation des tests de croissance microbiologiques) rédigée pour les bactéries végétatives ne mentionne pas à ce jour de lignes directrices spécifiques aux germes sporulés. Il est apparu nécessaire pour les membres du RMT 07.01 « Expertise pour la détermination de la durée de vie microbiologique des aliments » qu’une action soit menée afin de recenser, d’une part, le savoir-faire des organismes français qui pratiquent les challenge-tests « sporulés » et, d’autre part les pratiques publiées dans la littérature scientifique. Cette démarche d’enquête a été effectuée en vue d’identifier des lignes directrices pour mieux répondre aux industriels et les accompagner dans leur démarche d’amélioration de la qualité et de la sécurité des aliments.

Pour mener ce travail piloté par l’ADIV, deux axes ont été traités :
* Mise en place d’un questionnaire à destination des centres techniques et organismes publics afin de recenser les pratiques et les méthodes employées en termes de challenge-tests sur les bactéries sporulées.
* Etat de l’art bibliographique sur un échantillon d’articles scientifiques (cf. références bibliographiques), ciblant la méthodologie de mise en œuvre des challenge-tests en matrice alimentaire.
Le présent article synthétise les différentes données obtenues via les deux sources d’informations citées, en prenant en compte les points suivants : les objectifs visés par les challenge-tests, les matrices alimentaires et les espèces étudiées, l’origine des souches, le protocole de préparation de spores et les milieux de dénombrement, le mode et les taux d’inoculation.

SYNTHESE DE L’ENQUETE ET DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE

1. Objectifs des challenge-tests et caractéristiques des souches

La synthèse bibliographique et l’enquête menées auprès des organismes identifient les mêmes objectifs lors de la mise en œuvre des challenge-tests appliqués aux  bactéries sporulées. Dans les deux cas, on recense une dominance d’études sur la caractérisation de la résistance à la chaleur (détermination des paramètres D et  z), l’évaluation de l’efficacité de traitements thermiques et la détermination ou la validation de la durée de vie sur un large panel de catégories d’aliments : produits carnés (charcuterie cuite ), produits laitiers et fromagers (desserts lactés), produits de la mer (surimi), végétaux (purées de légumes), conserves, ovoproduits…

Pour le genre Bacillus, l’espèce B. cereus, suivie par B. subtilis sont les plus étudiées. Dans le cas du genre Clostridium, l’espèce C. perfringens est la plus représentée dans les challenge-tests effectués pour le compte d’industriels de l’agroalimentaire (hors produits fromagers), alors que quatre espèces font l’objet de la plupart des travaux scientifiques (C. perfringens, C. botulinum, C. sporogenes et C. tyrobutyricum). Il est important de souligner que les espèces étudiées sont dans la plupart du temps choisies en fonction de leur prévalence dans les matrices alimentaires.

Par exemple, C. perfringens et C. botulinum sont les plus étudiées pour les produits carnés et de la mer alors que C. sporogenes et C. butyricum concernent davantage les produits laitiers et fromagers. Pour ce qui est de l’origine des souches utilisées, les résultats de l’enquête, tout comme la littérature scientifique, montrent qu’elles sont soit issues de collections nationales de référence (ATCC, NTCC, CIP), soit d’origine alimentaire (parfois en lien avec une intoxination alimentaire). Selon les cas, elles sont testées individuellement ou en mélange (en moyenne un mélange de 3 isolats composé de souches de référence et de souches issues d’aliment). La forme sporulée est majoritairement employée pour les challenge-tests alors que 30% des essais d’après l’enquête concerne la forme végétative. Le mode d’inoculation est le plus souvent pratiqué dans la masse du produit (pâté, jambon par exemple) mais des ensemencements en surface sont également possibles selon le produit. Le taux d’inoculation des spores dans les matrices alimentaires est d’environ 6 log10 sp/g pour tester l’effet assainissant d’un traitement et se situe davantage vers 2-3 log10 sp/g pour les études de croissance.

2. Protocole de préparation de l’inoculum bactérien, de spores & dénombrement

Les tableaux ci-dessous résument la méthodologie relative à la préparation des cultures et des spores pour la réalisation des challenge-tests concernant les espèces majoritairement étudiées (Bacillus cereus et Clostridium spp.). Ils permettent d’établir un comparatif des informations issues de l’enquête et de la littérature.

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CONCLUSION

Ce travail de synthèse a mis en évidence de nombreux points communs entre les sources bibliographiques et les pratiques des centres techniques. En effet, le protocole suivi par les centres techniques découle d’un savoir-faire ayant comme base la littérature scientifique et adapté selon les lignes directrices de la norme NF V 01-009. D’un point de vue méthodologique (mise en culture des souches, protocole de sporulation, conservation, récolte et ensemencement des spores..), les informations issues de la bibliographie et de pratiques des centres techniques dégagent des questionnements qui permettent d’envisager des perspectives de travail.

Un sous-groupe de travail élargi a été mis en place au sein du RMT début 2011 afin d’identifier les axes prioritaires à développer :
- la mise en place d’un protocole standard en vue de la réalisation d’un essai inter-laboratoires entre les organismes mettant en œuvre les challenges-tests des bactéries sporulées.
- la proposition de rédaction de lignes directrices pour la réalisation des challenge tests appliqués aux sporulés.
- l’organisation d’une réflexion sur le développement de travaux complémentaires en cohérence avec les attentes des organismes concernés.
Pour ce dernier point, les organismes restent en effet confrontés à des questionnements lors de la mise en œuvre d’un challenge-test avec des bactéries sporulées. On peut ainsi mentionner (i) les conditions opératoires de la phase de sporulation, (ii) la reproductibilité/répétabilité des essais, (iii) les conditions d’inoculation des aliments.


Remerciements :
L’ADIV tient tout particulièrement à remercier : - L’ACTIA (organisme d’affiliation du RMT) pour son soutien financier pour la réalisation de ce projet. - Les organismes ayant répondu à l’enquête (ADRIA-Normandie, Aérial, Anses, CTCPA, IFIP).


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