
Pour apporter des réponses concrètes aux professionnels de la filière viande qui s’interrogent sur les emballages actifs, l’Adiv, grâce aux soutiens financiers d’lnterbev et de FranceAgriMer, a jugé pertinent de réaliser une étude portant sur le potentiel « antimicrobien » de certains matériaux actifs à l’égard de bactéries pathogènes et d’altération dans des matrices carnées bovines.
Les matériaux actifs visent à assurer une part de la protection des aliments qu’ils contiennent. Ils peuvent être divisés en deux grandes catégories, toutes deux destinées à étendre la durée de conservation ou à améliorer la qualité des aliments les systèmes absorbeurs qui éliminent du couple « produit- emballage » les éléments « indésirables » et les systèmes relargueurs/émetteurs qui libèrent des éléments bénéfiques à l’ensemble clos produit-emballage.
Dans le domaine des conditionnements actifs, la France et l’Europe ont aujourd’hui un retard important par rapport au Japon et aux États-Unis. En effet, alors que ces derniers les utilisent depuis plus de 10 ans, l’Europe n’en est qu’à ses premières études et ses premiers prototypes. Malgré l’intense activité de recherche, peu de réalisations concrètes sont réellement disponibles sur les marchés européens dont la France. Cependant, depuis la parution en mai 2009 d’une législation spécifique aux matériaux actifs et intelligents (règlement CE 450/2009), la situation semble se débloquer.
Or, l’avenir de l’industrie de la viande française repose certainement sur le développement de nouvelles technologies pour :
- garantir toujours plus la qualité sanitaire des aliments proposés aux consommateurs,
- préserver les propriétés organoleptiques de ces produits périssables.
Dans le cadre de l’étude, suite à un état des lieux sur l’actualité réglementaire des matériaux actifs au niveau européen, quatre systèmes actifs ont été sélectionnés.
Via la technique des challenge-tests (ensemencement artificiel), ils ont ensuite été évalués sur leur efficacité antimicrobienne à l’égard des quatre bactéries cibles suivantes : deux germes pathogènes (Listeria et Salmonelle) et deux germes d’altération de la viande (Brochothrix et Pseudomonas).
MATERIEL ET METHODES
Actualité réglementaire
Les emballages actifs sont soumis à deux règlements européens majeurs :
- le règlement CE 1935/2004 de décembre 2004 qui régit les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires,
- le règlement CE 450/2009 de mai 2009 sur les matériaux et objets actifs et intelligents destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires.
D’après l’article 5 du règlement CE 1935/2004 les conditionnements actifs sont définis ainsi : « les matériaux et objets actifs destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires sont conçus de manière délibérée pour contenir des constituants « actifs » destinés à être libérés dans les denrées alimentaires ou à absorber des substances provenant des denrées alimentaires. »
Le règlement CE 1935/2004 avait déjà décrit des dispositions à respecter, en attendant la mise en oeuvre de prescriptions supplémentaires. Ces dispositions étaient les suivantes :
- l’autorisation des composants actifs sous réserve qu’ils soient autorisés en tant qu’ingrédients alimentaires ;
- l’action des composants actifs ou intelligents sur les aliments qui ne doit pas induire les consommateurs en erreur ;
- l’étiquetage qui doit alerter sur la non comestibilité et sur l’action des composants actifs et intelligents sur les aliments.
Les nouvelles dispositions CE 450/2009 concernent :
- les règles pour autoriser des substances qui peuvent être utilisées dans les matériaux actifs ou intelligents ;
- les dispositions à respecter en matière d’étiquetage ;
- la déclaration écrite de conformité et la documentation à conserver par les exploitants.
La figure 1 synthétise l’évolution réglementaire à laquelle sont soumis les conditionnements actifs depuis décembre 2004.
Sélection des systèmes actifs
D’un point de vue réglementaire, pour avoir l’appellation « viandes fraîches », aucun additif ne doit être additionné. Néanmoins, même si l’usage postérieur de la substance active serait limité au champ des préparations de viande, il est important de travailler sur de la viande fraîche sans autre additif, pour connaître les interférences entre la matrice carnée et les substances actives objets du test.
Dans le cadre de l’étude, il a donc été décidé de travailler sur deux matrices carnées de boeuf d’épaisseur différente, lesquelles sont sous un format utilisable en préparation de viande (carpaccio ou cubes de viandes) :
- des cubes de brochettes de boeuf (3 cm x 3 cm x 3 cm),
- des carpaccios de boeuf (tranches fines de 2 mm d’épaisseur).
Parmi les systèmes actifs sélectionnés, certains nécessitaient des conditions spécifiques pour assurer leur bon fonctionnement Les systèmes émetteurs/relargueurs ne peuvent &re actifs que s’ils disposent d’un espace de diffusion entre le contenant (l’emballage) et le contenu (l’aliment), c’est pourquoi un conditionnement sous atmosphère protectrice (MAP — 70% 02/30% C02) a été retenu. Il a été convenu lors du comité de pilotage de tester ce type de systèmes sur les carpaccios de boeuf. A contrario, pour le matériau actif chargé positivement, un contact intime avec la matrice était nécessaire pour assurer un potentiel effet antimicrobien du film sur l’aliment, d’où le choix d’un conditionnement sous vide. Dans ce dernier cas, des cubes de brochettes ont été testés; ce choix de matrice a été validé pour connaître également quel pourrait être l’intérêt à employer un film actif sur des muscles entiers conditionnés sous vide.
Évaluation de l’efficacité antimicrobienne
L’évaluation de l’effet antimicrobien s’est déroulée selon deux phases successives. Dans un premier temps, chaque système actif a été testé sur les matrices carnées de boeuf ensemencées avec un pool de deux bactéries d’altération majoritaires de la viande : Pseudomonas et Brochothrix. Puis, dans un second temps, un ensemencement individuel des matrices carnées a été effectué avec les deux bactéries pathogènes réglementaires à savoir Listeria monocytogenes et Salmonella Typhimurium. Dans ce dernier cas, la contamination a eu lieu de façon individuelle car, contrairement aux flores d’altération, il reste rare de détecter simultanément dans un même lot de matière première Listeria et Salmonella.Après ensemencement, quel que soit le mode de conditionnement, les produits artificiellement inoculés ont été conservés à 4 °C. Le suivi microbiologique a eu lieu tout au long de la conservation aux stades suivants selon les normes en vigueur :
- À J0, après parage et découpe de la matière première (en cubes et carpaccios) : évaluation de la contamination initiale.
- À J0 (après ensemencement) afin d’évaluer la concentration apportée pour chacun des germes cibles.
- Tout au long de la conservation : J4, J8, J12 pour les produits conditionnés sous atmosphère protectrice (MAP) et J11, J21, J26 pour ceux stockés sous-vide.
Pour le traitement des résultats, la moyenne et l’écart-type ont été calculés sur les trois répétitions réalisées pour chaque configuration. Un effet antimicrobien des systèmes actifs a été jugé significatif lorsque A (Témoin-Configuration d’étude) > = 0,5 loglO UFC/g.
Impact sur les aspects visuel et sensoriel des produits
Concernant l’aspect sensoriel, pour les deux systèmes actifs qui se sont révélés les plus pertinents sur le plan antimicrobien dans les conditions d’étude testées (sachet émetteur d’un extrait végétal et buvard à base d’un composé minéral), des problèmes d’odeurs et de couleur ont été observés :
- Sachet brunissement et odeur liés au principe antimicrobien (« moutarde ») lors de l’ouverture de la barquette (quelques secondes) lesquels disparaissent ensuite.
- Buvard virement de couleur et défauts d’odeur relatif au composé minéral voire à des phénomènes d’oxydation.
CONCLUSIONS
Cette étude exploratoire sur les emballages actifs a permis d’apporter un éclairage sur cette thématique et d’améliorer l’état des connaissances sur le sujet en mettant notamment en évidence :
- une action de certains systèmes actifs sur la matrice viande tant sur les bactéries d’altération que sur les bactéries pathogènes.
- les différences de réglementation entre l’UE et les autres pays du monde limitant l’emploi de ces systèmes actifs dans l’UE.
À noter cependant que ces défauts d’aspect ne peuvent être généralisés à l’ensemble des produits de viande car des essais menés sur des produits plus stables comme la volaille et les viandes marinées dans un autre cadre de recherche ont montré des aspects visuels (critères sensoriels non évalués) jugés acceptables.
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