
Cette expérience, menée dans un abattoir de canards, met en évidence l’intérêt d’intégrer le plus tôt possible, les questions de santé au travail. Les effets alors obtenus s’avèrent indissociablement liés aux propriétés des dispositifs conçus et à une forte implication des acteurs de l’entreprise.
L’entreprise concernée par notre intervention était un abattoir de canards gras, appartenant à un groupe agroalimentaire. Le directeur de l’abattoir souhaitait prévenir le développement des troubles musculo-squelettiques (TMS) sur la chaîne de découpe, et a fait appel à une équipe d’ergonomes qu’il a connue par l’intermédiaire de la Mutualité Sociale Agricole (MSA).
Le cadre de l’intervention des ergonomes était issu des expériences d’intervention de ces derniers et des connaissances établies dans la littérature sur les TMS. Une partie de notre travail a concerné les dimensions biomécaniques du geste professionnel l’étude des postures, des outils et leurs propriétés, des angulations gestuelles. Mais les formes de la conduite de projet mises en place ont visé notamment à favoriser la possibilité pour les opérateurs et l’encadrement d’influencer la conception de la nouvelle chaîne, intégrant d’autres dimensions du travail (sociales, collectives, organisationnelles, de performance, etc.) faire participer les opérateurs aux compromis qui construiront leur propre travail futur est une composante de la prévention des TMS.
La participation des opérateurs à la conception des situations de travail est un gage de réussite car elle permet souvent d’anticiper des dysfonctionnements ultérieurs. Mais faire réfléchir les opérateurs sur leur propre geste professionnel, les confronter à leur activité quotidienne afin qu’ils en explicitent eux-mêmes les modes opératoires, les régulations, leur vécu, est aussi un facteur de santé. De plus, la nouvelle répartition des tâches sur la future chaîne de découpe peut alors s’adosser à cette analyse des compétences déjà acquises par les opérateurs, ce qui facilite l’apprentissage de ces derniers et limite les résistances éventuelles au changement. L’aspect gestuel n’est qu’un aspect parmi d’autres sur lesquels les opérateurs sont intervenus afin de participer à la construction de leur futur travail. Ils ont aussi contribué à la définition physique de leur poste de travail, de l’espace et des marges de manoeuvre qu’il pouvait permettre, à la conception de leurs matériels tels que les chariots. Enfin, leur contribution à l’instruction de choix, tels que la gestion des flux de produits, de personnes dans l’abattoir, qui dépassent largement le cadre de leur activité (la découpe), participe à la création du sens pour leurs activités respectives, à la possibilité d’intégrer leur propre travail dans le processus global et la fabrication du produit final.
Quand il s’agit de questions de santé au travail, les opérateurs constituent souvent le point d’attention unique. Cependant, le fonctionnement d’un système de travail implique une plus grande diversité d’acteurs, le rôle de certains d’entre eux étant précisément d’encadrer le travail des opérateurs. Il est donc assez classique qu’une démarche ergonomique propose d’intégrer les opérateurs. Cependant, il est plus rare d’observer, en parallèle, un groupe de travail avec du personnel de l’encadrement. L’histoire des interventions dans le domaine montre pourtant que les TMS accompagnent souvent un déficit de l’encadrement, en termes d’effectif, de disponibilité et/ou de compétences. La prise en compte dans un tel projet des conditions du travail d’encadrement est à ce titre incontournable pour tenter d’être efficace du point de vue de la prévention des TMS en conception, l’intégration de l’encadrement de proximité dans la démarche est un élément indispensable.
Dans l’intervention présentée, les ergonomes ont mis en place un groupe de travail avec l’encadrement de l’abattoir et la direction du site, et un autre avec des opérateurs de la découpe. Ils ont procédé « classiquement » à des analyses de sites de référence et à des simulations. Ces groupes de travail ont abordé l’ensemble des questions liées à l’implantation, l’organisation de la découpe, et la conception de la chaîne. La première question qui fùt posée par le concepteur de la chaîne aux ergonomes fùt celle, très technique et très réduite, du «pas de chaîne » quelle est la distance optimale entre deux obus sur la chaîne de découpe (les obus étant le procédé technique de maintien des canards en position droite sur la chaîne) ?
LE PAS DE CHAÎNE, LA CADENCE ET LA VARIABILITÉ
Le conseil en organisation plaidait pour un pas « d » le plus petit possible, susceptible selon lui d’améliorer les conditions de travail, car (« théorème 1»): plus le pas de chaîne est petit, plus la vitesse linéaire de la chaîne est faible pour une production donnée. De fait, on permet ainsi aux opérateurs de travailler sur des pièces en mouvement moins rapide.
Mais, par ailleurs, les ergonomes, dès les premières analyses, avaient identifié que, bien entendu, les cycles sont variables, et que les opérateurs sont amenés à prendre du retard ou de l’avance, ce qui les conduit régulièrement à travailler sur deux canards contigus. Ils ont donc immédiatement mis en circulation dans les groupes de travail le «théorème 2» : plus le pas de chaîne est petit, plus il y a de chances que deux opérateurs travaillant sur des pièces contiguês se gênent ou se blessent.
Il revenait aux ergonomes de souligner (« théorème 3 ») : il ne faut donc pas raisonner sur le cycle normal seulement, mais sur la diversité des cycles. En effet, le cycle moyen est une simplification pour l’analyse et la conception, mais sans réalité concrète dans le travail : un couteau qui coupe mal augmente la longueur du cycle; un canard trop froid demande plus d’efforts et donc de temps, etc. La marge de manoeuvre dont disposent les opérateurs ne dépend donc pas seulement de la cadence et du pas, mais du rapport entre l’espace alloué à chaque opérateur et l’espace alloué au cycle normal (soit D/d).
Le débat a ainsi pu porter sur la longueur de la chaîne, et sur l’introduction d’espaces permettant les régulations, mais aussi la formation des nouveaux, la discussion avec la maîtrise, etc. Le résultat des discussions a été formalisé par les ergonomes sur un schéma reprenant la configuration générale de la chaîne : il a été proposé d’introduire, à droite ou à gauche de chaque poste de découpe, un espace équivalent permettant soit une marge de régulation pour l’opérateur, soit la présence « en doublon» d’un opérateur en formation, soit enfin la présence de la maîtrise pour comprendre ou résoudre des difficultés particulières.
Dans le travail de définition dimensionnelle, apparut aussi, par exemple, le «théorème 4 » pour le poste d’accrochage (opération de mise des canards sur les obus en début de chaîne de découpe) : pour un pas de chaîne « d» donné, plus on veut diminuer la vitesse angulaire à l’accrochage, plus il faut augmenter le diamètre de la poulie (générant la rotation des obus), mais alors plus on fait travailler les opérateurs de la ligne sur des plates-formes élevées.
La vitesse angulaire est un paramètre important pour le poste d’accrochage :
- si l’obus remonte vite, la fenêtre qui laisse la possibilité à l’opérateur d’accrocher le canard est petite et ne permet pas à ce dernier de gérer les aléas ; par contre, du fait du plus petit diamètre, les opérateurs de la ligne travaillent sur des plates-formes moins hautes ;
- si l’obus remonte doucement, l’opérateur à l’accrochage a une « fenêtre temporelle » plus importante pour accrocher son canard, mais les opérateurs de la ligne travaillent alors à des hauteurs qui imposent par exemple des garde-corps qui peuvent gêner l’activité de travail. Cependant, même pour l’opérateur à l’accrochage, il n’est pas soùhaitable que l’obus remonte trop doucement, car cela occasionne alors une contrainte supplémentaire du fait qu’il lui faut, dans ce cas, maintenir le canard sur l’obus.
Les compromis inhérents à la conception, construits avec les opérateurs et l’encadrement, ont ainsi été explicités le plus possible, pour que leur issue soit le résultat d’une délibération multi acteurs et multi facteurs. De nombreux dessins sur papier millimétré ont ainsi été produits par les ergonomes. Des schémas concernant l’aménagement de la chaîne (répartition des postes et des espaces libres) ont été inclus au cahier des charges du concepteur de la chaîne.
De nombreuses simulations ont été réalisées afin d’intégrer un maximum de variabilités : en fonction du pas de chaîne et de la production réelle, les espaces entre opérateurs, la vitesse linéaire de la chaîne, le temps de cycle, la longueur de cycle moyenne et avec 2 secondes de retard, la longueur minimale de la chaîne, l’ajout d’un opérateur en formation, etc.
LE COUP DES COUS
C’est au cours des simulations sur ces différents aspects dimensionnels que les opérateurs ont alerté les ergonomes sur un point qui leur avait échappé : les conséquences de la présence des cous (de canards). Dans le processus existant, et dans celui prévu, les cous sont encore présents lors de la découpe. Lorsque le canard est tourné sur l’axe de l’obus pour en découper les différentes parties, le débattement du cou prend une place importante. En simulant sur plan le futur poste, il est devenu évident que la présence des cous obligeait à définir des zones d’accrochage beaucoup moins favorables du point de vue des atteintes que si l’on avait pu les supprimer au préalable.
L’ablation des cous avant la découpe est alors devenue pour les ergonomes un objectif prioritaire (après vérification sur des sites de référence).
Mais il s’agit là d’une modification importante du processus technique, engendrant des surcoûts importants dans le projet. En effet, après l’abattage, les canards sont actuellement fixés par le cou sur des chariots qui passent avant la découpe par des réfrigérateurs. Convaincre la direction de l’abattoir d’investir dans un nouveau parc de 120 chariots (soit 80000 euros) est devenu un enjeu important. Il faut ensuite investir dans le procédé technique de coupe des cous et l’insérer dans le process global en amont de la découpe. Enfin, il faut envisager le traitement de ces coproduits et l’évacuation des nouveaux déchets dans une zone qui n’intègre pas ces fonctions. Les enjeux d’amélioration de la qualité et de valorisation des cous sont donc devenus des facteurs stratégiques essentiels pour obtenir ce changement de processus technique, qui apparaît déterminant pour la prévention des TMS. Les autres intérêts mis en avant ont été les suivants :
- diminution du poids des canards manutentionnés, suppression de manipulations et de situations de gênes ;
- traçage plus précis du haut des magrets sur les canards, et donc un gain matière ;
- chariots moins lourds et plus stables ;
- diminution du temps de refroidissement des canards.
LE COUP DES CHARIOTS
Une fois la décision prise par l’entreprise de procéder à la coupe des cous, les ergonomes ont poursuivi la définition des équipements techniques, cruciale pour la prévention des TMS.
Le choix des chariots est devenu un aspect central du travail compte tenu des enjeux suivants.
Tout d’abord, il est important que les chariots soient facilement maniables. Le roulement, mais aussi la stabilité du chariot chargé sont des critères importants. La marge de manoeuvre pour modifier les dimensions extérieures (longueur et largeur) du chariot est quasi inexistante : si ces dimensions augmentent, les chariots ne peuvent plus entrer dans les réfrigérateurs; et si elles diminuent, les chariots perdent en capacité de chargement.
Le stockage des chariots est également un enjeu du projet, car s’il existe déjà des chariots dans l’abattoir, il n’y a pas de réelle gestion de leur stockage.
La capacité de chargement du chariot (92 canards) ne doit pas varier, à quelques canards près. En même temps, les canards accrochés doivent être facilement accessibles et décrochés. De plus, le type d’accrochage des canards sur le chariot ne doit pas déformer ces derniers (enjeux de qualité).
Enfin, le mode de chargement des canards doit permettre un refroidissement homogène dans les frigos.
Cet inventaire des enjeux et des contraintes liés au choix des chariots a amené les ergonomes à faire une première proposition. L’analyse du travail au poste d’accrochage (mise sur obus) indiquait la grande pénibilité du retournement du chariot une fois le premier côté vidé. L’idée lancée aux groupes de travail fut donc de réfléchir à un nouveau type de chariot à chargement unilatéral, qui n’existait pas sur le marché. Les activités de simulations sur plan ont révélé que les contraintes de dimensions et de capacité de chargement impliquaient des postures très contraignantes du point de vue des zones d’atteintes des rangées supérieures et inférieures. L’idée de chargement unilatéral fut abandonnée : les opérateurs ont construit eux-mêmes le fait que le meilleur compromis pour leur santé ne pouvait passer par cette solution technique.
Une seconde proposition des ergonomes fut alors avancée : pour réduire les contraintes posturales liées aux zones d’atteinte des rangées hautes et basses, il pouvait être intéressant d’envisager une inclinaison progressive des épingles de fixation des canards sur le chariot lors du passage des rangées basses aux rangées hautes. Parmi les prototypes que nous avons conseillés à l’entreprise de demander, un des trois chariots avait cette caractéristique. Mais les simulations effectuées en situation de production par les opérateurs ont révélé que, lors de la rotation du chariot, les canards sur les épingles les plus horizontales se décrochaient facilement. Cette seconde possibilité fut donc abandonnée, au profit d’un chariot plus classique remplissant les autres critères avancés plus haut.
Des idées théoriques pertinentes se sont révélées être de mauvaises solutions pratiques. Les simulations sur plan, et avec prototypes, ont permis aux opérateurs eux-mêmes de le mettre en évidence, et d’aboutir à une solution de compromis.
UNE AMÉLIORATION SIGNIFICATIVE DES CONDITIONS DE TRAVAIL ET DES RÉSULTATS DE PERFORMANCE AU-DELÀ DES ATTENTES : ENTRE EFFICACITÉ ET PRÉVENTION, FAUT-IL CHOISIR ?
Cette intervention illustre le fait que tenir ensemble les enjeux de santé et les enjeux d’efficacité constituait un pari qui est aujourd’hui tenable. La démarche proposée a supposé une collaboration structurée entre les acteurs internes à l’entreprise (direction, responsables des différents services, opérateurs) et des acteurs externes (ergonomes, techniciens de prévention, médecine du travail, etc.). La construction de modalités relativement originales compte tenu de la "pratique habituelle" dans les entreprises suppose l’adhésion des acteurs. Certaines conditions doivent être réunies pour gagner le pari. La possibilité d’intervenir sur l’organisation du travail semble constituer l’une de ces conditions. L’engagement de la direction et la construction sociale de la démarche en sont d’autres.
Le lien entre prévention des TMS et efficacité des actions est au coeur même de l’activité du travailleur. Ce lien se joue continuellement au plus près de la situation de travail (conception des espaces et des moyens de production, état des outils, etc.). Mais des déterminants majeurs concernent également bien souvent l’organisation du travail (répartition des tâches, rotation des opérateurs sur les postes, etc.).
Deux exemples issus du projet montrent comment l’augmentation des marges de manoeuvre des travailleurs est susceptible de contribuer à l’amélioration des conditions de travail tout en favorisant l’efficacité de la production.
Le premier exemple concerne les marges de manoeuvre spatiales des travailleurs, négociées autour du raisonnement concernant le pas de chaîne un cycle difficile qui aurait nécessité une accélération pourra être réalisé en accompagnant le produit par un déplacement. De la même manière, de l’avance pourra être prise si des cycles plus faciles se présentent. Ces marges de manoeuvres spatiales peuvent également servir à l’accueil des nouveaux (doublon), à l’entraide (opérateur supplémentaire), à la discussion avec la hiérarchie, etc.
Le second exemple concerne les marges de manoeuvre organisationnelles des travailleurs.
La rotation est très souvent présentée comme une solution organisationnelle au problème des TMS, sous réserve de quelques conditions diminution des contraintes intrinsèques aux postes concernés, alternance des sollicitations, formation des opérateurs aux différents postes, gestion souple de la rotation, etc.
La création d’un poste de coordinateur nous a permis d’instituer une fonction reconnue par l’entreprise. Celle-ci est dédiée à l’organisation du travail, la répartition des tâches sur la chaîne, la gestion en temps réel des plaintes formulées, l’aide des opérateurs en difficulté, la formation continue des opérateurs de la chaîne, l’accueil et la formation des nouveaux, le contrôle de la qualité du travail, la régulation en temps réel des conflits et aléas du travail, le recueil et l’expression "centralisée" des demandes des opérateurs, la présence d’un référent reconnu pour porter les préoccupations de la ligne de production auprès des autres services ou collègues de l’entreprise.
Tout ceci fut possible du fait de la légitimité acquise par la personne auprès de la hiérarchie et des opérateurs, de son expertise et de sa capacité à transmettre ses connaissances, de son positionnement non hiérarchique vis-à-vis des autres travailleurs de la chaîne, de sa connaissance fine des opérateurs, de la confiance unanime qui lui est accordée de tous. La disponibilité totale du coordinateur et sa présence permanente sur la chaîne sont également des conditions favorables.
Les avantages en termes de santé des travailleurs sont facilement perceptibles. Les gains en termes d’efficacité de la production se sont vraiment révélés à l’entreprise, lorsque le coordinateur a pris ses premiers congés. Les indicateurs de qualité liés aux aspects économiquement sensibles pour l’entreprise concernée ont chuté à cette occasion, puis ont retrouvé le niveau antérieur stabilisé à son retour.
Les compromis définis lors de la conception, par exemple en termes d’espace ou d’organisation du travail, ont conduit, d’une part, à des résultats économiques tout à fait positifs à court et moyen terme — le retour sur investissement anticipé de 3 ans a ainsi été réduit à 1,5 an, les résultats de fonctionnement dépassant les prévisions -, et, d’autre part, à des résultats également intéressants pour la santé des travailleurs. Le moment de la conception constitue un temps privilégié pour allier prévention et efficacité. En effet, s’il est parfois difficile d’opérer des modifications significatives sur des installations existantes, intégrer les questions de santé au moment où se font les choix de conception permet d’opérer des modifications en faveur des conditions de travail sans un coût qui soit automatiquement supérieur. La construction de l’implication des acteurs de la santé au travail à une conduite de projet de conception constitue en ce sens une opportunité pour la santé des travailleurs et l’efficacité de l’entreprise.
RETOUR DANS L’ENTREPRISE 5 ANS PLUS TARD
Après deux années de fonctionnement, l’entreprise a connu divers aléas structurels (économiques notamment), non spécifiquement liés à l’établissement dans lequel nous sommes intervenus. Ceci a conduit la direction du groupe à mener une politique drastique en termes d’économies, et la direction de l’établissement a été amenée à réviser certains choix : passage de la production sur une seule ligne, augmentation des cadences nominales, suppression du poste de coordinateur.
Après quelques mois, les indicateurs de productivité se sont certes momentanément améliorés (tels qu’ils étaient calculés), mais l’absentéisme et le turn-over des salariés sont repartis à la hausse, les TMS ont refait leur apparition. La gestion quotidienne de la production en devenait de plus en plus difficile. Dès que les contraintes venant du groupe se sont dessenées, la direction de l’établissement, qui était restée la même, est progressivement revenue au mode de fonctionnement qui avait été instauré à la suite de notre intervention. Il est aujourd’hui stabilisé et a fait à nouveau la preuve de son efficacité, tant en termes de productivité qu’en ce qui concerne l’amélioration des indicateurs de santé et de gestion des ressources humaines. Le poste de coordinateur est aujourd’hui considéré comme un atout absolument indispensable au fonctionnement global de l’atelier et au climat social. Il nous semble que trois facteurs ont permis cela :
- la stabilité sur toutes ces années de l’équipe de direction et de l’encadrement de proximité, qui reçoit aujourd’hui un très fort soutien du groupe ;
- la qualité et la pertinence des choix techniques et organisationnels qui avaient été effectués grâce aux contributions croisées de tous les acteurs impliqués, et qui ont largement fait leurs preuves, au-delà de tout discours ;
- l’appropriation de la méthode de travail associant les salariés concernés par les projets, qui a été reprise par la direction dans deux autres transformations, celle de la zone d’accrochage des canards vivants à l’abattoir, et celle de la zone de surgélation de produits.
CONCLUSION
La prévention des TMS en conception se joue dans la possibilité de transformer les situations concrètes de travail en impliquant les acteurs concernés par les futures situations de travail. Ainsi, le copier-coller dans un autre abattoir du groupe de la chaîne de découpe conçue initialement a donné des résultats décevants. Le processus, la manière d’aboutir aux choix de conception compte autant que la pertinence des choix finaux.
L’analyse de la trajectoire de l’entreprise 5 ans plus tard et la permanence des acteurs internes ayant participé au projet initial illustrent l’importance d’investir sur le développement des activités humaines à travers un projet. Les démarches réellement participatives conduisent à des effets qui se maintiennent dans le temps, alors que les démarches essentiellement tournées vers des solutions techniques présentent des effets nécessairement éphémères du fait des changements permanents qui caractérisent l’environnement de l’entreprise.
Ce projet de conception souligne la possibilité de tenir simultanément des enjeux de santé et de performance. Une conduite du projet qui se donne les moyens d’investir sur les ressources humaines au travail est déterminante pour l’obtention des résultats et leur maintien dans le temps, compte tenu des événements qui viennent jalonner la vie de l’entreprise. C’est enfin une condition pour construire des alternatives techniques et organisationnelles qui constituent de vraies innovations.
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