
Pour pallier à la nécessité de nombreuses répétitions, différentes approches ont été utilisées. La construction de consortia de souches, simplifiant des écosystèmes complexes pour étudier différents phénomènes d’écologie microbienne a été mise au point sur des produits laitiers dont la composition microbienne avait été bien décrite et pour lesquels il était facile de reconstituer une matrice lait stérile (Callon et al., 2014). Mais cette approche a ouvert la voie à des essais pour des produits carnés frais, dont la composition microbienne est plus complexe. Par exemple, des cocktails de trois souches ont été testés soit en milieu de laboratoire soit sur viande hachée (Guilbaud et al., 2012 ; Chaillou et al., 2014). Il a ainsi été montré qu’une même souche peut se comporter différemment suivant les autres souches présentes dans le mélange. En milieu de laboratoire, il a été possible de modéliser la croissance de différentes espèces dans des mélanges complexes allant jusqu’à 11 souches différentes pour comprendre le comportement de bactéries responsables de l’altération des produits carnés (Pin et Baranyi, 1998). Les résultats ont suggéré des interactions bactériennes au sein de ces mélanges, mais le nombre de variables et d’équations nécessaires aux modèles prédictifs devenait trop important au fur et à mesure que les mélanges bactériens se complexifiaient. Plus récemment, l’utilisation de communautés microbiennes naturelles a pu être réalisée (Rouger et al., 2016). Cette approche a montré qu’un microbiote naturel, récolté à partir de découpes de volaille sans culture préalable pouvait être inoculé sur des filets de poulet rendus paucimicrobiens par rinçage à l’éthanol ou au lactate de sodium. Les microbiotes étaient capables de se développer et recouvrir la population résiduelle restant après rinçage. Ainsi, il était possible de réaliser des challenge-tests reproductibles avec des microbiotes dont la composition était connue et représentait l’ensemble des communautés bactériennes issues de viande, dans leurs proportions relatives naturelles. Nous avons utilisé cette approche dans l’article 3 de ce numéro spécial de la revue « Viandes et Produits carnés ». Il nous a permis de montrer, avec seulement deux microbiotes de jambon et deux réplicas, une différence dans les comportements de ceux-ci face à différents procédés. L’approche utilisant des consortia reconstitués n’était pas possible ici puisqu’une espèce inconnue de Vibrio, dont nous ne possédions donc pas de souche, était dominante dans l’un des cas. En outre, étant donnée la variabilité de la charge bactérienne et de la nature des contaminants présents sur les dés de jambon, le nombre de répétitions à réaliser aurait été bien supérieur à deux.
L’approche consistant à construire un cocktail ou consortium de souches présente l’avantage certain de maîtriser la quantité de bactéries que l’on inocule sur la matrice expérimentale, qu’elle soit de type milieu de laboratoire ou modèle alimentaire. Avec des méthodes de séquençage haut débit ou de PCR quantitative, chaque souche peut être suivie et quantifiée individuellement, ce qui permet d’obtenir des données fiables et reproductibles. Cette approche est simplificatrice mais permet d’accéder à des réponses simples, utiles pour des modèles mathématiques. Dans ce type d’approche, il est aussi possible de bénéficier des connaissances approfondies en génomique des souches utilisées, ce qui facilite grandement l’interprétation fonctionnelle des réponses de l’écosystème. En revanche, elle ne peut considérer que des souches connues et cultivables en conditions de laboratoire. En outre, ce type d’approche ne considère en général que des espèces dominantes alors que l’on sait que, parfois, les espèces sous dominantes jouent un rôle important, notamment dans l’altération des produits carnés. Cette approche est très informative mais réductrice.
L’approche utilisant des microbiotes naturels est bien plus proche de la réalité. Elle utilise l’ensemble d’une communauté bactérienne, y compris des souches non cultivées, inconnues ou sous dominantes. Elle permet une bonne reproductibilité pour un même microbiote de départ et diminue les biais causés par la variabilité inhérente à la contamination des produits carnés. Il est plus aisé de réaliser des challenge-tests en inoculant en triplicat des microbiotes différents sur des matrices carnées paucimicrobiennes que de multiplier les lots pour s’assurer d’avoir un échantillonnage représentatif. Mais sa principale limite réside dans la résistance des microbiotes à la congélation et leur stabilité dans le temps. Enfin, le nombre d’expérimentations possibles est limité par le nombre d’aliquotes de microbiotes stockés. Il est en effet pratiquement impossible de collecter un nouveau microbiote identique à un autre, et il n’est pas souhaitable de les mélanger au risque de créer des microbiotes chimères qui n’existent pas dans la nature. Par ailleurs, la caractérisation métagénomique de ces microbiotes naturels reste très chronophage et source d’erreur dans l’attribution des fonctions biologiques à une espèce donnée.
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