Constat de conservations atypiques suites aux tests de vieillissement
Au bilan, 19 muscles PAD ont eu des conservations atypiques sur 90 produits analysés après vieillissement (21,1%), et 14 viandes atypiques ont été constatées au sein des 111 échantillons piécés ayant subi les tests de vieillissement (12,6%). Des produits atypiques ont été observés dans tous les types de PAD et piécés utilisés pour cette étude, et tous les fournisseurs partenaires ont procuré au moins un produit atypique à chaque test de vieillissement. La comparaison des deux tests de vieillissement réalisés respectivement au printemps et à l’automne n’a pas mis en relief d’impact de la saison.
Par contre, la nature des flores impliquées dans les conservations atypiques diffère en fonction de la catégorie des produits concernés :
• Muscles PAD : entérobactéries seules 37%, FL seule 21% et [entérobactéries + FL] 42% ;
• Piécés : FL seule 79%, et [entérobactéries + FL] 21%.
Ainsi, dans la limite de l’effectif expérimental étudié, les cas de conservations atypiques au sein des piécés impliquent systématiquement un sous-développement des bactéries lactiques, ce qui n’est pas le cas pour les muscles PAD. Cette observation nécessitera une confirmation à large échelle.
Collection d’isolats bactériens, bilans des analyses PCR et des séquençages
A partir des 39 échantillons sélectionnés après vieillissement, 474 isolats bactériens ont fait l’objet d’un séquençage de l’ADNr 16S pour identification. Parmi ces isolats, 76 (16%) ont généré à plusieurs reprises des résultats non exploitables (pas d’amplification de l’ADN ou séquences de qualité insuffisante) et ne sont donc pas renseignés dans le Tableau 2. Pour les 398 isolats ayant généré des séquences exploitables, 238 provenaient de PA, 74 de PC et 86 de PNC. La répartition par milieu de culture était la suivante : 72 isolats provenant du milieu MRS, 149 du milieu PCA incubé à 30°C, 113 du milieu PCA incubé à 22°C et 64 du milieu VRBG.
Tous milieux de culture confondus, la majorité des 398 identifications exploitables correspondait à des bactéries lactiques (74% des identifications obtenues), suivies par les entérobactéries (19% des identifications). Les 7% d’isolats restant se répartissaient au sein des genres Brochothrix, Pseudomonas, Microbacterium, Micrococcus, Staphylococcus et Stenotrophomonas.
Identification des isolats issus de VRBG
L’identification des 64 isolats issus des géloses VRBG qui sélectionnent les entérobactéries présomptives est présentée en Figure 2. La majorité des isolats qui ont pu être identifiés sont affiliés à la famille des Enterobacteriaceae (86%) : 37% des séquences obtenues correspondent à l’espèce Hafnia alvei, 39% des séquences ont généré un résultat d’identification très proche de cette espèce, 4% des séquences ont permis d’identifier Yersinia sp. (proche de Y frederiksenii) et Rahnella ou Serratia sp et 6% des séquences correspondent à des Enterobacteriaceae qui n’ont pu être identifiées. A noter que dans le cadre de ces identifications par séquençage de l’ADNr 16S, il était généralement difficile de différencier Hafnia alvei de l’espèce Obesumbacterium proteus comme cela a déjà été rapporté (Koivula et al, 2006).
Figure 2 : Identification des isolats développés sur VRBG sur la base des résultats du séquençage
Les 14% d’isolats obtenus sur VRBG et n’appartenant pas à la famille des Enterobacteriaceae ont été affiliés au genre Pseudomonas sp. De façon inattendue, ces dernières identifications correspondaient aussi bien à des isolats issus de PNC (avec Pseudomonas lundensis/fragi, P. weihenstephanensis/fragi ou sp.) que de PC (avec Pseudomonas fragi, psychrophila et sp.).
Les cas de conservations atypiques dus à des dénombrements trop élevés sur VRBG seraient donc à mettre en relation avec des surdéveloppements de Hafnia alvei et d’entérobactéries proches, mais aussi avec des isolats qui restent à identifier (l’ADN de 27 isolats issus de VRBG pour des PA n’a jamais pu être amplifié par PCR).
La méthode AFNOR NF V08-054 sans confirmation permet donc d’avoir une bonne appréciation du niveau des entérobactéries présentes sur les produits carnés.
Bactéries lactiques identifiées : leur répartition selon les milieux de culture
L’identification des isolats affiliés au groupe des bactéries lactiques, tous milieux de culture confondus (76% des bactéries lactiques ont été collectées sur PCA +30°C et PCA à +22°C alors que 24% l’ont été sur MRS), est présentée en Figure 3. La majorité des séquences obtenues correspondaient au genre Carnobacterium (48%). Suivaient par ordre décroissant les genres Lactococcus (26%), Lactobacillus (16%) et Leuconostoc (10%). Très peu de bactéries lactiques (moins de 1%) n’ont pas pu être identifiées à l’échelle du genre.
L’analyse des résultats d’identification des bactéries lactiques en fonction des milieux de culture est particulièrement intéressante : la nature des genres et espèces dominants varie selon le milieu de culture sur lequel les isolats ont été prélevés. Lorsque les isolats proviennent du milieu MRS (Figure 4A), les espèces identifiées appartiennent exclusivement aux genres Lactobacillus et Leuconostoc. Les espèces identifiées sont Leuconostoc carnosum, Leuconostoc mesenteroides, Lb sakei, Lb fuchuensis et Lactobacillus curvatus. En revanche, aucun isolat des genres Carnobacterium ou Lactococcus n’y est détecté. Par comparaison, les isolats de bactéries lactiques collectés sur milieu PCA incubé à 30°C (Figure 4B), et donc qui dominent la flore totale des échantillons, appartiennent très majoritairement au genre Carnobacterium (92% des résultats d’identification), et notamment à l’espèce Carnobacterium divergens (61%). Des isolats de l’espèce Lactococcus piscium (5%) et du genre Leuconostoc (3%) sont également détectés de façon minoritaire. Aucun isolat affilié au genre Lactobacillus n’a été détecté sur ce milieu. Sur le milieu PCA +22°C, l’espèce Lactococcus piscium dominait, suivie du genre Carnobacterium (données non présentées).
Figure 3 : Identification des bactéries lactiques sur la base des résultats du séquençage
(tous milieux de culture confondus)
NE (bactérie lactique) = bactérie lactique non identifiée (<1200 paires de bases)
Figure 4 : Identification des bactéries lactiques isolées à partir du milieu MRS (A) et PCA +30°C (B) sur la base des résultats du séquençage