La revue Viandes et produits carnés

La revue française de la recherche en viandes et produits carnés  ISSN  2555-8560

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 HYGIENE ET SECURITE SANITAIRE

 
 

Viandes sous vide : les indicateurs microbiologiques actuels sont-ils fiables ?

 

Les méthodes de référence utilisées pour les viandes de bœuf conditionnées sous vide sont-elles appropriées au dénombrement des indicateurs microbiologiques ?
 
Les dépassements de seuil de conformité de contamination de surface de muscles et viandes piécées conditionnés sous vide en fin de conservation sont souvent liés au surdéveloppement d’entérobactéries, notamment de Hafnia alvei. Par contre, les sous-développements apparents de flore lactique sont en fait le résultat d’une sous-estimation des bactéries présentes à cause de l’exclusion de Carnobacterium sp. et de Lactococcus piscium par la méthode de dénombrement de référence.
 
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INTRODUCTION
 
Afin d’augmenter la durée de conservation des muscles et des viandes tout en permettant d’optimiser leurs qualités organoleptiques, le conditionnement sous vide a été développé à partir des années 1970 (Brodin et al., 1984). Il est reconnu que, sur le plan microbien, la bonne conservation des produits bovins sous vide est caractérisée par le développement de la flore lactique, devenant rapidement majoritaire, associée à la stabilisation, voire à la diminution, des flores d’altération (entérobactéries, notamment) dans les 10 jours qui suivent le conditionnement (Cartier, 1997 ; Geneix, 1986). En conséquence, les acteurs de la filière ont basé les critères de référence sur les groupes bactériens suivants : la flore aérobie mésophile pour évaluer le niveau global de contamination microbienne, les entérobactéries en tant qu’indicateur d’hygiène et de germes d’altération et la flore lactique dont le développement majoritaire est un indicateur de bonne conservation sous vide (Critères Microbiologiques d’Hygiène des Procédés, 2009). 

Or, depuis plusieurs années, les distributeurs puis les opérateurs de la filière viande bovine constatent la survenue de produits sous vide dont l’évolution bactérienne échappe à ce schéma classique : surdéveloppement des entérobactéries, développement insuffisant de la flore lactique, voire les deux problèmes concomitants, mais qui restent tout à fait acceptables sur le plan sensoriel (odeur, couleur, poissage, aspect général…). Ces cas de conservations atypiques des produits ont occasionné et occasionnent encore aujourd’hui des méventes de muscles et viandes sous vide, laissant penser qu’il s’agit en réalité d’un gaspillage dû à un défaut dans l’évaluation du niveau d’hygiène de ces produits.
Pour comprendre ces phénomènes, l’Institut de l’Elevage et l’Université de Caen Normandie ont donc réalisé une étude expérimentale de caractérisation des microorganismes développés sur les milieux de culture utilisés pour les analyses microbiologiques des produits carnés bovins conditionnés sous vide, en particulier en cas de conservation atypique. L’objectif était de fournir aux opérateurs concernés une connaissance précise et sans a priori des espèces bactériennes cultivables qui dominent sur les milieux préconisés par les méthodes de référence lors de l’analyse en fin de conservation des muscles et viandes de bœuf conservés sous vide, et d’en déduire les causes de ces conservations atypiques problématiques pour la filière.
 
I. MATERIELS ET METHODES

Tests de vieillissement de produits bovins sous vide
Douze types de produits sous vide ont été sélectionnés pour réaliser des tests de vieillissement lors de deux campagnes indépendantes :
• Quatre muscles PAD (Prêt A Découper) fournis par 6 entreprises : hampe, araignée, dessus de palette, jarret, conditionnés immédiatement après parage et épluchage ;
• Huit piécés (UVCI pour Unité de Vente Consommateur Industrielle) fournis par 4 entreprises : onglet, côte à l’os, bavette d’aloyau, entrecôte, faux-filet, bourguignon (5 morceaux minimum), pavé, bifteck, conditionnés immédiatement après découpe des muscles.
Chaque entreprise partenaire a fourni les produits demandés de l’étude en trois réplicats à chaque campagne, selon sa production habituelle. Ces produits ont été conservés à +4°C selon le schéma de vieillissement présenté dans la Figure 1. A chaque stade de vieillissement, les produits concernés ont été caractérisés sur le plan sensoriel (odeur, couleur, exsudat, impression générale) pour qualifier leur état de conservation par rapport aux critères cités.
Au total, 138 muscles PAD et 153 piécés UVCI ont été analysés pour cette étude dont 90 muscles PAD et 111 piécés après vieillissement.
 
Figure 1 : Schéma des tests de vieillissement réalisés avec les 3 réplicats de chaque produit
Viande sous vide fig1
 
Analyses microbiologiques réalisées au cours des vieillissements
Les analyses microbiologiques réalisées dans cette étude ont porté sur les trois flores indicatrices de la conservation des muscles et viandes sous vide :
• Flore Aérobie Mésophile (FAM) : AFNOR NF V08-011, gélose PCA à +30°C, complétée par la flore aérobie psychrotrophe (gélose PCA à +22°C),
• Flore Lactique (FL) : AFNOR NF V04-503, gélose MRS à +30°C en double couche,
• entérobactéries présomptives : AFNOR NF V08-054, gélose VRBG à +30°C, sans confirmation, selon le protocole le plus souvent appliqué pour les analyses d’entérobactéries dans la filière viande.
Les résultats de dénombrement obtenus ont été confrontés aux seuils de conformité microbiologique recommandés (voir Critères microbiologiques d’hygiène des procédés – GBPH Secteurs de l’abattage, découpe, piéçage, productions de viandes hachées, préparations de viandes et produits à base de viande – Version du 31 décembre 2009), tels que présentés dans le Tableau 1.
 
Tableau 1 : Critères microbiologiques de conservation des muscles et viandes sous vide
 
Catégorie de produit Stades d’application Flores microbiennes Critères microbiologiques d’hygiène des procédés – version du 31/12/2009 (en log ufc/g, prélèvements de type cœur-surface)*  
 
Muscle sous vide destiné à la découpe Début de conservation FAM m = 4,0 log, M = 5,0 log  
Entérobactéries présomptives m = 3,0 log, M = 4,0 log  
En fin de conservation FAM m = 7,0 log, M = 8,0 log  
Entérobactéries présomptives m = 4,0 log, M = 5,0 log  
FL Rapport FAM/FL ≤ 100  
Viande piécée UVCI sous vide Début de conservation FAM m = 4,7 log, M = 5,7 log  
Entérobactéries présomptives m = 3,0 log, M = 4,0 log  
En fin de conservation FAM m = 7,0 log, M = 8,0 log  
Entérobactéries présomptives m = 4,0 log, M = 5,0 log  
FL Rapport FAM/FL ≤ 100  
 
 * : m = seuil de conformité, et M = seuil d’acceptabilité dans les plans de contrôle à 3 classes décrits dans les Critères microbiologiques d’hygiène des procédés – version du 31/12/2009
 
Le statut de conformité microbiologique de chaque produit a été défini par sa flore la plus pénalisante :
• Pour la flore aérobie mésophile et les entérobactéries présomptives :
o Concentration inférieure à m : produit conforme
o Concentration entre m et M : produit acceptable
o Concentration supérieure à M : produit non conforme

• Pour la flore lactique :
o Rapport FAM/FL ≤ 100 : produit conforme
o Rapport FAM/FL > 100 : produit non-conforme
 
Les statuts de conformité microbiologique des produits carnés combinés avec les observations sensorielles réalisées au moment du prélèvement ont permis de qualifier la conservation des produits, selon les catégories suivantes :
• Produits Conformes (PC) : produits bien conservés, tant sur le plan microbiologique que sensoriel,
• Produits Non Conformes (PNC) : produits altérés dont les dénombrements microbiologiques peuvent éventuellement dépasser les seuils de conformité pour une ou plusieurs flores (l’altération sensorielle étant suffisante pour inclure un produit dans cette catégorie),
• Produits Atypiques (PA) : produits bien conservés sur le plan sensoriel (odeur, couleur, poissage, impression générale…) mais dont au moins une flore bactérienne de référence ne satisfait pas aux critères de conformité.
Suite à ce classement, les produits les plus représentatifs de chaque catégorie ont été sélectionnés pour réaliser des analyses PCR afin d’identifier les flores dominantes développées sur les différents milieux de culture utilisés pour les dénombrements microbiologiques, et juger leur fiabilité.
 
Identification des flores majoritairement développées en surface des milieux de culture issus des analyses des produits étudiés
Trente-neuf produits ont été sélectionnés après vieillissement : 25 PA et 14 témoins (6 PC et 8 PNC). Pour ces échantillons, une boîte de milieu gélosé par type de milieu de culture d’intérêt a été sélectionnée. Cinq à 10 isolats par boîte sélectionnée (selon la diversité des colonies présentes) ont été prélevés pour identification, avec un objectif de 7 isolats par boîte, sauf pour deux échantillons à forte diversité pour lesquels le nombre d’isolats collectés a été augmenté (Tableau 2).
 
Tableau 2 : Répartition par échantillon et par type de milieu de culture des isolats identifiés
 
Viande sous vide tableau2
 
Chaque isolat sélectionné a fait l’objet, lorsqu’il était cultivable, de trois isolements successifs sur milieu de culture approprié selon sa nature pour le purifier, puis a été cultivé en milieu liquide avant d’être mis en collection à -78°C en présence de 15% de glycérol (Tableau 3).
 
Tableau 3 : Conditions de culture des isolats bactériens lors des étapes de purification et de culture avant congélation
 
Milieu de prélèvement PCA PCA22 VRBG MRS
Conditions de culture pour purification Gélose Plate Count Agar (PCA), aérobiose, 30°C, 72 h Gélose PCA, aérobiose, 22°C, 72 h Gélose nutritive ordinaire, 37°C, 24 h MRS pH 5.4, aérobiose (ou anaérobiose si culture délicate), 30°C, 48-72 h
Conditions de culture avant congélation Bouillon PC* ; aérobiose, 30°C, 24-48 h Bouillon PC ; aérobiose, 30°C, 24-48 h Bouillon nutritif ordinaire, aérobiose, 37°C, 1 nuit Bouillon MRS pH 5.4, aérobiose, 37°C, 24-48 h
 *version non gélosée du PCA
 
Amplification par PCR de l’ADNr 16S, séquençage des amplicons et identification des isolats bactériens
Les amorces utilisées pour l’amplification de l’ADNr 16S par PCR (Cousin et al., 2019) sont les amorces 16S_F (5’-AGAGTTTGATYMTGGCTC-3’) et 16S_R (5’-GGNTACCTTGTTACGACTT-3’). Ces amorces permettent de cibler l’ensemble de la flore bactérienne. La PCR 16S a été effectuée en prélevant une petite colonie ou une fraction de colonie sur gélose à l’aide d’un cône stérile et en la plaçant dans 30 µl de Mix PCR : 12 µl H2O + 1,5 µl Amorce 16S_F (5 µM) + 1,5 µl Amorce 16S_R (5 µM) + 15 µl Phusion HF Mix (2x).
L’amplification a été réalisée selon le programme suivant : 1) +98°C pendant 10 minutes, 2) 35 cycles composés de 3 étapes : dénaturation à +98°C pendant 10 secondes, hybridation pendant 20 secondes à +54°C, élongation à +72°C pendant 45 secondes, 3) 5 minutes à +72°C, et 4) Conservation à +4°C.
Les produits de PCR ont été envoyés à GATC Biotech (Konstanz, Allemagne) pour séquençage par la méthode Sanger. Les résultats ont été traités à l’aide du logiciel SeqTrace pour l’assemblage, la vérification et le nettoyage des séquences. Les séquences ont été comparées à celles disponibles sur les plateformes GenBank, en utilisant la fonction BLAST (http://blast.ncbi.nlm.nih.gov/Blast.cgi), et à celle du Ribosomal Database Project (RDP) (http://rdp.cme.msu.edu/).).
 
II. RESULTATS ET DISCUSSION
 
Constat de conservations atypiques suites aux tests de vieillissement
Au bilan, 19 muscles PAD ont eu des conservations atypiques sur 90 produits analysés après vieillissement (21,1%), et 14 viandes atypiques ont été constatées au sein des 111 échantillons piécés ayant subi les tests de vieillissement (12,6%). Des produits atypiques ont été observés dans tous les types de PAD et piécés utilisés pour cette étude, et tous les fournisseurs partenaires ont procuré au moins un produit atypique à chaque test de vieillissement. La comparaison des deux tests de vieillissement réalisés respectivement au printemps et à l’automne n’a pas mis en relief d’impact de la saison.
Par contre, la nature des flores impliquées dans les conservations atypiques diffère en fonction de la catégorie des produits concernés :
• Muscles PAD : entérobactéries seules 37%, FL seule 21% et [entérobactéries + FL] 42% ;
• Piécés : FL seule 79%, et [entérobactéries + FL] 21%.
Ainsi, dans la limite de l’effectif expérimental étudié, les cas de conservations atypiques au sein des piécés impliquent systématiquement un sous-développement des bactéries lactiques, ce qui n’est pas le cas pour les muscles PAD. Cette observation nécessitera une confirmation à large échelle.
 
Collection d’isolats bactériens, bilans des analyses PCR et des séquençages
A partir des 39 échantillons sélectionnés après vieillissement, 474 isolats bactériens ont fait l’objet d’un séquençage de l’ADNr 16S pour identification. Parmi ces isolats, 76 (16%) ont généré à plusieurs reprises des résultats non exploitables (pas d’amplification de l’ADN ou séquences de qualité insuffisante) et ne sont donc pas renseignés dans le Tableau 2. Pour les 398 isolats ayant généré des séquences exploitables, 238 provenaient de PA, 74 de PC et 86 de PNC. La répartition par milieu de culture était la suivante : 72 isolats provenant du milieu MRS, 149 du milieu PCA incubé à 30°C, 113 du milieu PCA incubé à 22°C et 64 du milieu VRBG.
Tous milieux de culture confondus, la majorité des 398 identifications exploitables correspondait à des bactéries lactiques (74% des identifications obtenues), suivies par les entérobactéries (19% des identifications). Les 7% d’isolats restant se répartissaient au sein des genres Brochothrix, Pseudomonas, Microbacterium, Micrococcus, Staphylococcus et Stenotrophomonas.
 
Identification des isolats issus de VRBG
L’identification des 64 isolats issus des géloses VRBG qui sélectionnent les entérobactéries présomptives est présentée en Figure 2. La majorité des isolats qui ont pu être identifiés sont affiliés à la famille des Enterobacteriaceae (86%) : 37% des séquences obtenues correspondent à l’espèce Hafnia alvei, 39% des séquences ont généré un résultat d’identification très proche de cette espèce, 4% des séquences ont permis d’identifier Yersinia sp. (proche de Y frederiksenii) et Rahnella ou Serratia sp et 6% des séquences correspondent à des Enterobacteriaceae qui n’ont pu être identifiées. A noter que dans le cadre de ces identifications par séquençage de l’ADNr 16S, il était généralement difficile de différencier Hafnia alvei de l’espèce Obesumbacterium proteus comme cela a déjà été rapporté (Koivula et al, 2006).
 
Figure 2 : Identification des isolats développés sur VRBG sur la base des résultats du séquençage
 
Viande sous vide fig2
 
 
Les 14% d’isolats obtenus sur VRBG et n’appartenant pas à la famille des Enterobacteriaceae ont été affiliés au genre Pseudomonas sp. De façon inattendue, ces dernières identifications correspondaient aussi bien à des isolats issus de PNC (avec Pseudomonas lundensis/fragi, P. weihenstephanensis/fragi ou sp.) que de PC (avec Pseudomonas fragi, psychrophila et sp.).
Les cas de conservations atypiques dus à des dénombrements trop élevés sur VRBG seraient donc à mettre en relation avec des surdéveloppements de Hafnia alvei et d’entérobactéries proches, mais aussi avec des isolats qui restent à identifier (l’ADN de 27 isolats issus de VRBG pour des PA n’a jamais pu être amplifié par PCR).
La méthode AFNOR NF V08-054 sans confirmation permet donc d’avoir une bonne appréciation du niveau des entérobactéries présentes sur les produits carnés.
 
Bactéries lactiques identifiées : leur répartition selon les milieux de culture
L’identification des isolats affiliés au groupe des bactéries lactiques, tous milieux de culture confondus (76% des bactéries lactiques ont été collectées sur PCA +30°C et PCA à +22°C alors que 24% l’ont été sur MRS), est présentée en Figure 3. La majorité des séquences obtenues correspondaient au genre Carnobacterium (48%). Suivaient par ordre décroissant les genres Lactococcus (26%), Lactobacillus (16%) et Leuconostoc (10%). Très peu de bactéries lactiques (moins de 1%) n’ont pas pu être identifiées à l’échelle du genre.
L’analyse des résultats d’identification des bactéries lactiques en fonction des milieux de culture est particulièrement intéressante : la nature des genres et espèces dominants varie selon le milieu de culture sur lequel les isolats ont été prélevés. Lorsque les isolats proviennent du milieu MRS (Figure 4A), les espèces identifiées appartiennent exclusivement aux genres Lactobacillus et Leuconostoc. Les espèces identifiées sont Leuconostoc carnosum, Leuconostoc mesenteroides, Lb sakei, Lb fuchuensis et Lactobacillus curvatus. En revanche, aucun isolat des genres Carnobacterium ou Lactococcus n’y est détecté. Par comparaison, les isolats de bactéries lactiques collectés sur milieu PCA incubé à 30°C (Figure 4B), et donc qui dominent la flore totale des échantillons, appartiennent très majoritairement au genre Carnobacterium (92% des résultats d’identification), et notamment à l’espèce Carnobacterium divergens (61%). Des isolats de l’espèce Lactococcus piscium (5%) et du genre Leuconostoc (3%) sont également détectés de façon minoritaire. Aucun isolat affilié au genre Lactobacillus n’a été détecté sur ce milieu. Sur le milieu PCA +22°C, l’espèce Lactococcus piscium dominait, suivie du genre Carnobacterium (données non présentées).

Figure 3 : Identification des bactéries lactiques sur la base des résultats du séquençage
(tous milieux de culture confondus)
 
Viande sous vide fig3 
NE (bactérie lactique) = bactérie lactique non identifiée (<1200 paires de bases)
 
Figure 4 : Identification des bactéries lactiques isolées à partir du milieu MRS (A) et PCA +30°C (B) sur la base des résultats du séquençage
 
Viande sous vide fig4A
 
 
Viande sous vide fig4B
 
Ainsi les Carnobacterium sp. dominent les flores dénombrées sur PCA +30°C (FAM) dans bon nombre d’échantillons, notamment ceux identifiés comme atypiques. Ces constats vont dans le sens des résultats de Mansur et al. (2019) et d’Ercolini et al. (2011) qui indiquent que Carnobacterium sp. fait partie des flores majoritaires des viandes bovines conditionnées sous vide après respectivement 21 jours et 34 jours de conservation à température de réfrigération. Or nos résultats montrent que ces bactéries lactiques sont exclues du milieu MRS, comme le confirme la bibliographie scientifique (Edima et al., 2007). De ce fait, lorsque les Carnobacterium sp. sont majoritaires dans un échantillon, elles déséquilibrent artificiellement le rapport FAM/FL car, bien que se développant sur PCA +30°C et contribuant ainsi à une FAM élevée, leur non croissance sur MRS entraîne une sous-estimation de la flore lactique sur ce milieu et donc un rapport FAM/FL trop élevé et non justifié.
Les Lactobacillus sp., quant à eux, se développent difficilement sur PCA +30°C en aérobiose, alors qu’ils poussent bien sur le milieu MRS en anaérobiose. Lorsque ces bactéries dominent, cela entraîne donc une sous-estimation de la FAM sur PCA +30°C et diminue donc artificiellement le rapport FAM/FL. Mais ce cas de figure est moins fréquent que le précédent.

 
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
 
La nature de la flore lactique présente influence donc le rapport FAM/FL, qui s’avère un indicateur sans corrélation avec la charge en flore lactique globale. Les cas de conservations atypiques liés à un sous-développement apparent de la flore lactique sont donc liés à un problème méthodologique : la trop forte sélectivité du milieu MRS faussant les estimations des bactéries lactiques effectivement présentes. Une évolution des méthodes et/ou des milieux de culture utilisés s’avère donc nécessaire pour pouvoir établir de façon correcte les rapports entre FAM et FL pour les produits carnés conservés sous vide.
Ce travail d’identification a également démontré la fiabilité du le milieu VRBG pour le dénombrement des entérobactéries. Pour les échantillons atypiques, le profil d’Enterobacteriaceae est caractérisé par la dominance soit de Hafnia alvei, soit d’Enterobacteriaceae non identifiées. Ainsi, malgré de forts niveaux en Hafnia alvei, aucun défaut n’a été constaté dans les produits atypiques, suggérant leur capacité à supporter sans conséquence apparente de fortes concentrations en cette espèce. L’une des perspectives de ce travail serait de déterminer et de comprendre la position et le rôle d’Hafnia alvei dans l’écosystème carné, afin d’évaluer si elle constitue un bon indicateur d’hygiène des procédés. Le statut de cette espèce, présentée tour à tour comme flore d’altération (Brightwell et al., 2007) ou comme non altérante (Nychas et al., 2008) dans les viandes reste donc à préciser.



Remerciements

Ces travaux ont été réalisés grâce au soutien financier d’Interbev et à la collaboration des 7 entreprises de découpe de la filière bovine qui ont fourni les produits utilisés pour les tests de vieillissement.


Références bibliographiques :
 
Brightwell G., Clemens R., Urlich S., Boerema J. (2007) Possible involvement of psychrotolerant Enterobacteriaceae in blown pack spoilage of vacuum-packaged raw meat. International Journal of Food Microbiology 119, 334–339.
Brodin D., Houlbert JM. (1984) Evolution microbienne de la viande bovine sous vide (sac Cryovac BB1). Essai méthodologique. ITEB. Confidentiel
Cartier P. (1997) Le Point sur la Qualité microbiologique de la viande bovine. Collection « Le Point Sur... » INTERBEV/ Institut de l’Elevage
Cousin FJ, Le Guellec R, Chagnot C, Goux D, Dalmasso M, Laplace JM, Cretenet M. (2019) Oenococcus sicerae sp. nov., isolated from French cider. Systematic and Applied Microbiology 42, 302-308.
Critères Microbiologiques d’Hygiène des Procédés – GBPH Secteurs de l’abattage, découpe, piéçage, productions de viandes hachées, préparations de viandes et produits à base de viande – Version du 31 décembre 2009
Edima H. C., Cailliez-Grimal C., Revol-Junelles A. M., Tonti L., Linder M., Millière J. B. (2007) A selective enumeration medium for Carnobacterium maltaromaticum. Journal of Microbiological Methods 68, 516–521.
Ercolini D., Ferrocino I., Nasi A., Ndagijimana M., Vernocchi P., La Storia A., Laghi L., Mauriello G., Guerzoni M.E., Villani F. (2011) Monitoring of Microbial Metabolites and Bacterial Diversity in Beef Stored under Different Packaging Conditions. Applied and Environmental Microbiology 77, 7372–7381.
Geneix C. (1986) Compte rendu d’analyses sur viandes conservées sous vide. ITEB. Confidentiel
Koivula T. T., Juvonen R., Haikara A., Suihko M. L. (2006) Characterization of the brewery spoilage bacterium Obesumbacterium proteus by automated ribotyping and development of PCR methods for its biotype 1. Journal of Applied Microbiology 100, 398-406.
Mansur A.R., Song E.J., Cho Y.S., Nam Y.D., Choi Y.S., Kim D.O., Seo D.H., Nam T.G. (2019) Comparative evaluation of spoilage-related bacterial diversity and metabolite profiles in chilled beef stored under air and vacuum packaging. Food Microbiology 77, 166-172
Nychas G. J., Skandamis P. N., Tassou C. C., Koutsoumanis K. P. (2008) Meat spoilage during distribution. Meat Science 78, 77-89.
 

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