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Le déterminisme de la qualité sensorielle de la viande bovine est complexe car multifactoriel, rendant difficile la prédiction de ce critère de qualité. La recherche de biomarqueurs prédictifs de la qualité se heurte à cette difficulté.
A l’origine, les producteurs de viande réfrigéraient la viande dans des grottes ou sous l'eau fraîche. La viande a été suspendue et séchée à travers l'histoire dans le but de la conserver. Les bouchers ont par la suite découvert que quelques jours de stockage rendaient la viande de bœuf plus tendre et plus savoureuse que lorsqu’elle était consommée peu après l’abattage. La maturation de la viande à une température d'environ 1-3 ºC pendant une période allant de deux jours à plusieurs semaines permet l’action des enzymes protéolytiques endogènes indispensables à l’attendrissement de la viande. La température doit être très bien contrôlée car la viande s’altère si le local est trop chaud et le processus de maturation sèche dit « dry-aged » s'arrête si l'eau de la viande gèle. L'eau doit s'évaporer lentement, ainsi l'humidité de la pièce doit être maintenue à environ 85% et elle doit être bien ventilée pour éviter l’altération de la viande par les bactéries. Depuis les années 1960, de nouvelles technologies, telle que la maturation humide dans des sacs sous vide ont été développées pour limiter les pertes d’eau par évaporation observée sur les carcasses stockées en chambre froide. (Minks et al., 1972 ; Hodges et al., 1974). La suspension est toujours utilisée et la viande bovine ayant subi un process de maturation « dry-aged » est toujours vendue et appréciée dans les restaurants haut de gamme du monde entier.
Outre les variations de température et de pH, d'autres facteurs variables comme la longueur du sarcomère, la longueur du fragment myofibrillaire (MFL pour « Myofibrillar Fraction Length »), la capacité de rétention d'eau, la teneur en collagène, la solubilité du collagène, l'activité du système protéolytique calpaïne et la dénaturation des protéines jouent également un rôle dans la tendreté de la viande, qui est un processus déjà compliqué.
Comme indiqué par Scopes et al. (1963), plus la longueur des sarcomères est élevée, plus la force de cisaillement est faible. Ce constat est soutenu par l'étude de Herring et al. (1965) qui ont observé une corrélation négative entre la longueur du sarcomère et la dureté de la viande. Les taux d'ATP jouent un rôle dans le raccourcissement du sarcomère, et le raccourcissement du sarcomère est également causé par l'exposition au froid immédiatement après l'abattage, ce phénomène étant appelé la contraction au froid. L'action des protéinases post mortem telles que le système calpaïne est un autre facteur affectant la tendreté de la viande. Les calpaïnes appartiennent à une grande famille de protéases intracellulaires dont l’activité est dépendante de la teneur en ions calciums Ca2+ (Wheeler et al., 2001). Des études récentes sur la régulation du système calpaïne ont donné des résultats contradictoires. La longueur de fragments des myofibrilles (MFL) affecte la tendreté car la dégradation des protéines myofibrillaires telles que la nébuline, la titine et la desmine les rend sensibles à la dégradation par les protéasomes et les lysosomes, entraînant des fragments de myofibrilles plus courts, et parfois une dégradation complète en acides aminés. Le rétrécissement des myofibrilles a également un effet négatif sur la capacité de rétention d'eau de la viande. Plusieurs expérimentations ont étudié les facteurs influençant la capacité de rétention d'eau (Huang et al., 2001 ; Hamm et al., 1986 ; Honikel, 2004 ; Frylinck et al., 2013). Les revues de Liu et al. (2015) ; Huff-Lonergan et al. (2005) ; Chen et al. (2008) ciblent les principaux facteurs impliqués dans la variabilité de la rétention d’eau.
Un autre facteur important pour le déterminisme de la tendreté est le collagène. La teneur en collagène est responsable d’une part importante de la dureté des viande (appelée dureté de base) qui peut varier en fonction des caractéristiques génétiques d'une race ou de l'âge de l'animal. Le renouvellement du collagène peut être affecté par le stress oxydatif, qui affecte l'équilibre entre sa dégradation par l'enzyme métalloprotéinase-2 (MMP-2) et sa synthèse par les fibroblastes intramusculaires.
L'effet du stress est un autre facteur non mesurable et imprévisible qui contribue à la variation de la tendreté de la viande (Puolanne et Halonen, 2010). Compte tenu de tous les mécanismes/facteurs connus affectant la tendreté de la viande, un seul de ces facteurs ne peut pas être utilisé isolément pour prédire la tendreté.
Tableau 1 : Biomarqueurs de tendreté de la viande identifiés à ce jour et regroupés selon la voie métabolique à laquelle ils contribuent.
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Cette revue posait la question de savoir s'il est possible de trouver des biomarqueurs universels pour la tendreté à la viande, ou si la complexité du processus de maturation empêche la découverte de tels biomarqueurs. Sur la base des informations actuelles, la perspective d'un biomarqueur protéique unique caractéristique de la tendreté de la viande semble improbable. Les biomarqueurs proposés pour la tendreté de la viande sont pertinents dans certaines conditions physico chimiques particulières et pour un muscle donné et pour une race donnée. En revanche, ils ne peuvent pas être utilisés comme biomarqueurs généraux. Cet article tente de mettre à jour les résultats concernant les biomarqueurs de la tendreté de la viande identifiés jusqu'à présent, car la garantie de la tendreté de la viande reste un enjeu majeur pour la filière viande bovine dans le monde entier. En raison de l'absence d'un biomarqueur spécifique et universel de tendreté de la viande, la variabilité de la tendreté continue de constituer un problème pour la filière et la satisfaction des consommateurs.
Remerciements
Les auteurs remercient le personnel et les étudiants du Centre de recherche sur la viande de l'ARC-API (Irene) pour leur contribution, le Fonds de recherche et de développement sur la viande rouge d'Afrique du Sud (RMRDT), et enfin le Programme de technologie et de ressources humaines pour l'industrie (THRIP) du Département du commerce et de l'industrie (Afrique du Sud), pour le financement des recherches.
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