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Le Centre d’information des viandes (CIV) a organisé le 14 mai 2014 un colloque pluridisciplinaire sur les caractéristiques environnementales et nutritionnelles de la viande au regard de l’alimentation durable.
Le colloque organisé le 14 mai dernier par le Centre d’information des viandes (CIV) à l’Institut Pasteur (Paris) avait pour objectif, selon ses initiateurs, « de favoriser l’expression d’un débat sur la place de la viande dans l’alimentation durable », une notion « qui occupe une place croissante dans les politiques alimentaires et agricoles, françaises et internationales » (1). Cette thématique générale a été abordée en deux temps, sous la forme d’une première session à dominante théorique, la seconde à dominante technique. Les communications de la première avaient pour ambition de répondre à la question « La viande est-elle un aliment sain au regard de l’alimentation durable ? » ; les secondes à la question « Comment aborder le gaspillage au niveau des filières viandes ? » Les interventions pluridisciplinaires des deux sessions (historique, sociologique, vétérinaire, médicale, épidémiologique, environnementale, etc.), ont fait apparaître la diversité des approches possibles de la durabilité de l’élevage et de la viande et parfois l’imbrication complexe de certains critères, notamment environnementaux. Elles ont aussi permis de mettre lumière la nécessité d’inscrire l’élevage et la consommation de viande au sein de l’ensemble plus vaste de l’alimentation durable.
La première session, consacrée au thème « La viande est-elle un aliment sain au regard de l’alimentation durable ? », a vu se succéder les interventions de Jean-Louis Lambert (2), sur le thème « Perspective historique : la quête du « sain » dans l’alimentation », de Vincent Carlier (3) sur « la sécurité des viandes, passé, présent, avenir », du professeur Jean-Michel Lecerf (4) sur « la place de la viande dans une alimentation saine », de Jérôme Mousset (5) sur le thème « Alimentation et Environnement, quels enjeux pour les filière d’élevage ? » et de Gabriel Masset (6) sur « Durabilité des viandes : quel équilibre entre impact environnemental et qualité nutritionnelle ? »
La deuxième session, consacrée au thème « Comment aborder le gaspillage au niveau des filières viande ? », a rassemblé les interventions de Jean-Louis Peyraud (7) sur le thème « usage ou gaspillage des ressources en élevage », de Christophe Lapasin (8) sur « l’objectif zéro gaspillage » de l’industrie de la viande et de Stéphane Dupont (9) sur « l’évolution des usages des coproduits de la carcasse bovine ».
Le détail des interventions est accessible sur le site du CIV à l’adresse : http://www.civ-viande.org/content-set/la-viande-a-t-elle-sa-place-dans-lalimentation-durable/.
De l’examen des interventions et des échanges entre intervenants et avec la salle se dégagent quatre enseignements principaux utiles au débat scientifique sur la place de la viande dans l’alimentation durable.
II.1. La pertinence des questions sociétales
La sécurité des aliments et la santé publique sont depuis longtemps prises en compte par les scientifiques et les pouvoirs publics. Les événements climatiques qui témoignent de la trajectoire non durable de notre société contraignent aujourd’hui à essayer d’en maîtriser les causes. L’enjeu est stratégique pour les filières agricoles. Ces préoccupations nutritionnelles et environnementales se traduisent par de nombreux travaux de recherche et par une demande de nouvelles preuves du caractère sain des aliments, exprimée par la notion d’alimentation durable : un aliment « bon pour moi et bon pour la planète ».
II.2. Un besoin de nuance et de multidisciplinarité
Le rapport des Hommes à l’alimentation et l’histoire des systèmes de gestion des risques sanitaires renvoient à de nombreuses disciplines – médecine, toxicologie, nutrition, etc. – et à des représentations culturelles et normes sociales – le bien/le mal, le pur/l’impur, le doute, le plaisir, le rapport au corps, à la santé, aux animaux… Les analyses monocritère (le carbone, le gras…) s’avèrent insatisfaisantes. En nutrition, ce sont les apports en différents nutriments qu’il faut intégrer pour raisonner en termes d’équilibre nutritionnel des repas puis du régime alimentaire.
De même, sur le plan environnemental, le carbone n’est qu’un indicateur parmi d’autres et les approches multicritères sont à préconiser. Sur ce point, l’élevage a des effets positifs à faire valoir, comme le maintien de la biodiversité. Les recherches visant une réduction globale des impacts des différents systèmes de production s’avèrent en outre plus prometteuses qu’en en privilégiant certains plutôt que d’autres.
II.3. Innover dans les méthodes d’analyse
De nouvelles recherches combinent la mesure des impacts environnementaux et des qualités nutritionnelles des régimes alimentaires. Elles mettent à mal les idées reçues : substituer la viande par des fruits et légumes engendre une légère augmentation de l’impact carbone total du régime car le volume de fruits et légumes nécessaires pour fournir une quantité énergétique comparable à celle de la viande est plus important. Inversement, substituer la viande par des œufs et laitages ne réduit que très faiblement le bilan. En définitive, c’est la quantité des aliments du repas qui fait l’impact carbone, plus que leur nature.
II.4. L’efficience : un critère majeur dans la lutte contre le gaspillage alimentaire
Dans l’industrie, la lutte contre le gaspillage est une question d’efficience traitée point par point. Pour la viande – activité de découpe – la recherche d’efficience renvoie à des questions systémiques, de l’élevage à la boucherie.
Au regard d’une consommation par l’Homme, les 38 % de grains consommés en France par le bétail sont un gaspillage. Mais l’efficience des productions animales varie selon la production comptabilisée (la viande et/ou le lait, les génisses…) et selon la période considérée (journée, carrière…). Les échanges de matières (effluents, fourrages) entre exploitations d’une région font obstacles aux calculs sur l’exploitation. L’efficience de l’élevage ne peut être évaluée que par des méthodes combinant différents critères et changements d’échelle.
En milieu de filière, le gaspillage alimentaire renvoie au sens strict à la mise au rebut des produits comestibles (2/3 imputables au consommateur). Plus largement, le gaspillage correspond à une sous-utilisation d’un produit non destiné à la consommation humaine. Or il existe une hiérarchie des usages depuis la consommation humaine puis animale, à la valorisation hors alimentation et à la production d’énergie. Les opérateurs ont en outre des intérêts croisés : les bonnes pratiques des uns (animaux propres, sains…) autorisent les pratiques des autres (valorisation des cuirs, moindre pertes en abattoir…) ; et les contraintes se répercutent sur l’ensemble de la filière. L’efficience des usages non alimentaires est ainsi difficile à appréhender. Les flux de matière sont en interaction. Au total, les 50 à 60 % de l’animal qui ne servent pas à l’alimentation humaine ont bien des débouchés dans l’industrie : maroquinerie, lipochimie, production d’engrais, de carburant, pet-food, cimenteries.
Dans la boucherie ou les industries de transformation, cette même recherche d’efficience systémique existe dans la gestion de l’équilibre entre avant et arrière de l’animal, morceaux nobles et bas morceaux.
Le colloque organisé le 14 mai 2014 par le Centre d’information des viandes (CIV) a eu l’intérêt de remettre en perspective quelques jugements courants portés sur la contribution de la filière viande à « l’alimentation durable », qu’il s’agisse d’environnement ou de nutrition. Les différentes interventions ont montré la nécessité de multiplier les points de vue sur une question complexe et de toujours insérer les résultats « bruts » obtenus par la filière élevage-viande dans les calculs d’impact au sein d’une vision globale des écosystèmes et de la nutrition humaine. La notion d’alimentation durable doit être déclinée avec précaution afin de prendre en compte les spécificités des filières élevage et viande et examinée sur des bases scientifiques solides qu’il reste souvent à construire.
Notes :
(1) Le Bulletin du CIV, Spécial Colloque
(2) Economiste et sociologue, ancien professeur de marketing et sociologie de l’alimentation au Département Sciences et Méthodes d’Aide à la Décision de l'Ecole Nationale d’Ingénieurs des Techniques des Industries Agricoles et Alimentaire de Nantes,
(3) Docteur vétérinaire, Professeur d'hygiène alimentaire à l'Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort
(4) Chef du service Nutrition de l’Institut Pasteur de Lille
(5) Responsable du département Agriculture et Forêt de l'Ademe
(6) Epidémiologiste de la nutrition, Faculté de médecine de la Timone (Université d’Aix-Marseille)
(7) Chargé de mission auprès du Directeur Scientifique Agriculture de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique)
(8) Secrétaire général de la cellule énergie et environnement pour les entreprises du secteur de la production de viandes (Celene)
(9) Consultant SD Conseil Agro
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