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L’étude DEMINOV–VPC avait pour objectif de construire une démarche innovante pour renforcer le capital humain des entreprises des secteurs viandes. Cette étude a été conduite par l’ADIV de novembre 2008 à octobre 2011 en partenariat avec quatre fédérations professionnelles et le concours financier du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, du fond social Européen et du Conseil Régional Auvergne.
Les entreprises des secteurs viandes sont confrontées depuis plusieurs années à un déficit important de main-d’oeuvre. Les chefs d’entreprises ou responsable des ressources humaines en leur sein déplorent par ailleurs une inadaptation des compétences disponibles sur le marché de l’emploi avec la réalité de leurs besoins et font part de leur difficulté à faire évoluer leur main d’oeuvre au sein de l’entreprise. Les investigations menées de juin 2009 à août 2010 auprès d’un panel de plus de 50 entreprises spécialisées dans les activités d’abattage et découpe de viandes de boucherie ou de volailles ont permis de caractériser les points de blocage et des leviers d’action pour donner plus de maitrise et donc investir à proprement parler dans la gestion des ressources humaines.
Le diagnostic a fait ressortir la nécessité pour les entreprises de s’approprier les grands chapitres de la gestion des ressources humaines : les entretiens, la gestion des compétences, l’accueil et l’intégration, l’image du secteur et des métiers, en se dotant de quelques outils que le programme DEMINOV a depuis mis à leur disposition.
1. Le traitement des observations et données issues de l’étude DEMINOV-VPC
L’étude DEMINOV a débuté par un ensemble d’investigations menées auprès d’un panel de 50 sociétés spécialisées dans l’abattage et la découpe de viandes de boucherie ou de volailles, représentant 4294 salariés (leur profil figure en annexe). Le diagnostic mené sur la gestion des ressources humaines dans ces entreprises a permis de dégager un certain nombre de constantes en matière de besoins en qualification et de développement des compétences des entreprises du secteur.
Figure 1 : Localisation des entreprises ayant bénéficié d’un diagnostic RH.
Après analyse des cas observés, l’étude DEMINOV a fait apparaître trois registres de besoins dans l’échantillon d’entreprises:
- des besoins en ressources,
- des besoins en management,
- des besoins relatifs aux pratiques de gestion des ressources humaines.
1.1. Les besoins en ressources
Deux catégories de besoins sont apparues : les besoins en main d’oeuvre d’une part et les besoins en compétences d’autre part.
L’étude a mis en évidence que le manque de main d’oeuvre (moins marqué actuellement du fait de la crise) est lié à deux facteurs essentiels et deux autres déterminants selon les secteurs ou les entreprises :
- Le manque d’attractivité du secteur du fait d’une mauvaise image et d’une méconnaissance des métiers qui y sont proposés ;
- La faible participation des prescripteurs tels que les établissements d’enseignement, le pôle emploi, les missions locales … partenaires que les dirigeants d’entreprises sollicitent assez peu pour la grande majorité. Le seul partenariat fortement développé, surtout dans le secteur de la volaille, l’est avec les sociétés de travail temporaire ;
- Un troisième facteur est cité comme important par un nombre important d’entreprises : la difficulté de fidéliser, en particulier les jeunes ;
- Le manque de diversité touche essentiellement le secteur des abattoirs de viande de boucherie à deux niveaux : un volume d’entrée des jeunes faibles alors que 40% de l’effectif part à la retraite dans 15 ans, un taux faible (16%) de présence de femmes. Beaucoup d’entreprises reconnaissent que le travail féminin a des effets positifs sur la production et sur la gestion des relations et des conduites « agressives » dans les équipes.
Les manques en compétences sont, quant à eux, liés à trois facteurs dominants identifiés par l’étude :
- Des pratiques de recrutement le plus souvent peu professionnalisées, avec des méthodes et des critères de recrutement non formalisés ;
- La préférence des entreprises pour des candidatures locales, proches, plutôt que professionnelles
- L’absence d’école de formation aux métiers de ce secteur.
1.2 Les besoins en management
Les managers de proximité sont recrutés essentiellement en interne. Ils sont issus du métier avec de l’expérience. Il arrive, dans les plus grosses structures, que le recrutement soit fait en externe en privilégiant également l’expérience du métier. Ce sont des hommes pour 62% des agents de maîtrise et 80% des cadres. Une seule entreprise rencontrée a recruté en externe une femme chef d’atelier.
Des difficultés de recrutement en interne apparaissent soit parce que les candidats potentiels ne veulent pas prendre de responsabilités, soit parce que leurs profils ne correspondent plus aux besoins.
Trois domaines de besoins ont été mis en évidence :
Faire évoluer le métier de manager vers de nouvelles pratiques
- Avoir une analyse plus transversale
- Être autonome et responsable
- Savoir communiquer, dialoguer et s’adapter à chacun.
Aider les entreprises à la sélection/recrutement notamment des managers de proximité
Développer la formation
- La relation et l’attitude
- La gestion de projet, la résolution de problème
- L’entretien professionnel.
1.3 Les pratiques de gestion des ressources humaines
Parmi les 50 entreprises, 18 ont créé un poste dédié à la gestion des ressources humaines et 44% de ces 18 entreprises sont des structures de plus de 150 salariés. Pour les 32 autres (64%), la GRH est prise en charge par le dirigeant, parfois la comptabilité, et/ou le responsable de production et/ou le responsable Qualité. Parmi ces différentes personnes prenant en charge la GRH, l’étude a mis en évidence que : • 59% des entreprises n’ont pas en interne de personnes possédant des qualifications en gestion des ressources humaines ; • 23% des entreprises ont au moins une personne possédant des qualifications juridiques et sociales • 18% des entreprises ont au moins une personne possédant des qualifications en gestion des ressources humaines.
Par ailleurs l’étude a permis de relever que les entreprises qui bénéficient, ou ont bénéficié de compétences RH, par la présence de stagiaires suite à des formations en Ressources humaines, ont plus innové et possèdent davantage d’outils dans le domaine de la GRH.
2. Gestion des compétences et pratiques de formation des entreprises
2.2. La gestion des ressources humaines de l’entreprise viande
Avec un nombre moyen de 4 intervenants, chiffre nettement représentatif du panel des entreprises étudiées, il est constaté qu’en matière de pilotage des ressources humaines et donc des compétences, il n’y pas d’interlocuteur privilégié ou unique dans l’entreprise.
Figure 2 : nombre d’intervenants répertoriés en GRH dans les entreprises observées.
Cette donnée est donc à prendre en compte lorsque l’on sollicite ou interroge une entreprise sur ce registre, plusieurs interlocuteurs sont donc à considérer ou à réunir pour un traitement complet ou réel de ces questions et ceci sans distinction de taille d’entreprise comme le montre le graphique ci-dessous (fig.3).
Figure 3 : nombre d’intervenants sur la GRH et effectifs d’entreprises
2.2 Le recrutement
Les personnes interviewées font référence, dans la quasi-totalité des cas, à une stratégie de recrutement : soit le recrutement local, qui permet de pallier aux modestes rémunérations proposées, soit le recours à des profils ayant une culture proche de celle du métier.
Figure 4 : Expression des préoccupations majeures par les chargés de recrutement
41% des personnes interviewées expriment une recherche autour d’un profil particulier : un boucher, un responsable qualité etc.… tandis que tous sont unanimes pour dire qu’ « on ne trouve personne ».
Figure 5 : Méthodes de recrutement pratiquées
Le bouche à oreille représente la principale, voire l’unique méthode de recrutement. La démarche est majoritairement ni professionnalisée, ni même formalisée. A l’inverse, le recours à l’intérim est généralisé. Il est souvent utilisé comme une méthode de recrutement en soi, sous la forme d’une période d’essai renforcée.
Figure 6 : La place de l’intérim
Les entreprises rencontrées estiment que cette méthode permet de réduire les coûts et le risque d’erreur de recrutement mais aussi de diminuer le taux d’accident du travail voire le taux d’absentéisme. La minorité qui n’utilise pas de main d’oeuvre intérimaire pointe le manque de fiabilité du personnel proposé et le coût de la prestation.
2.3 La gestion des compétences
2.3.1 Profils recrutés et intégration
Figure 7 : profils recrutés
L’essentiel des recrutements porte sur des opérateurs de production. Les profils recrutés sont majoritairement sans qualification, soit par choix de la part de l’entreprise, soit par manque de ressources. Le secteur abattage d’animaux de boucherie préfère ainsi embaucher des « non bouchers » car ils les jugent plus « malléables ».
Les entreprises qui développent une activité de découpe ciblent davantage les profils bouchers et charcutiers. Elles ont recours à une main d’oeuvre sans qualification pour le conditionnement qu’elles vont former à des activités de découpe accessibles.
La nécessité de qualification (c'est-à-dire la connaissance de la matière, la maitrise de la technique de découpe et la rapidité d’exécution) dépend donc du type d’activité de découpe développé par la structure.
L’autre critère important pour certaines entreprises est l’expérience dans le secteur et l’habitude de supporter des conditions de travail difficiles. Seules 54% des entreprises visitées déclarent en effet avoir mis en place une phase d’accueil au sein de leur structure et un quart des entreprises réalise une formation sur les règles d’hygiène et de sécurité.
Lorsque des entreprises (40% du panel) donnent des informations sur leurs modes de formation aux métiers, deux modalités de formation se distinguent : celle réalisée en doublon sur le poste de travail, et celle réalisée par une personne référente qui n’est pas le titulaire du poste et qui assure une formation dans un contexte plus large que celui du poste de travail stricto-sensu.
Figure 8 : modalités d’intégration des nouveaux salariés dans l’entreprise
2.3.3 Pratiques en matière de contrats en alternance
Les entreprises qui utilisent l’alternance le font souvent pour des types de métiers bien spécifiques : il s’agit dès lors de recruter des agents de maintenance, des personnels en logistique et au service commercial.
Figure 9 : Pratiques en matière d’alternance
L’alternance est donc peu pratiquée : les arguments le plus souvent avancés sont le manque de temps disponible pour accompagner le jeune, la complexité du système, la déception liée à des expériences négatives antérieures. Les entretiens ont néanmoins fait ressortir une certaine confusion entre « contrat de professionnalisation » et « contrat d’apprentissage », certains pensant que seul l’apprentissage recouvre le terme alternance.
2.3.3 Les besoins en compétences exprimés et la formation professionnelle continue
54% des entreprises ont abordé lors des entretiens la question de leurs besoins spécifiques sur leur coeur de métier. Deux sous catégories se distinguent, comme le montre la figure 10 :
- celles qui ont des besoins identifiés
- celles qui n’ont pas de besoin en compétences
Figure 10 : expression des besoins en compétences
Les entreprises expriment des besoins en matière de découpe et des connaissances de base nécessaires à l’exécution de certaines tâches. Au stade abattage, la bouverie requiert par exemple de savoir accueillir des clients, identifier les bêtes, respecter les normes de bien-être animal, saisir des données sur un support informatique. La fonction de classificateur de carcasse requiert même un agrément issu d’une formation. Pour autant les entreprises ont des difficultés à gérer la formation professionnelle. Une entreprise sur deux n’a pas de plan de formation structuré.
Figure 11 : l’existence d’un plan de formation
Dans les productions automatisées : L’automatisation réduit le besoin en effectif et une certaine pénibilité (port de charge). Elle réclame d’autres compétences (plus de capacités cognitives) et produit d’autres formes de pénibilité (TMS). Les entreprises automatisées ont besoin de personnels avec des potentiels d’apprentissage significatifs.
Dans les systèmes non automatisés : Les besoins en compétences « découpe » s’appuient encore sur la génération vieillissante formée en boucherie ou en charcuterie L’augmentation des contraintes engendre plus de technicité et nécessite donc des capacités d’apprentissage par exemple à l’abattage et à la bouverie
2.4 L’investissement et la motivation
Le manque d’attractivité des métiers du secteur viande tient majoritairement à sa mauvaise réputation (figure 12). Mais les salariés interrogés font valoir des aspects valorisants du métier qui peuvent être générateurs de motivation (figure 13).
Figure 12 : l’image du secteur
Figure 13 : les motivations exprimées au regard du secteur d’activité
CONCLUSION
L’analyse de la gestion des ressources humaines dans la première et la seconde transformation des filières viandes fait apparaître des besoins en ressources et en compétences et particulièrement en compétences métiers. La satisfaction de ces besoins est vitale pour le secteur, tant pour le renouvellement des générations que pour l’évolution technique et sanitaire que les évolutions du secteur imposent.
Pour les entreprises consultées, deux types de stratégies sont possibles :
- Recruter des compétences « toutes faites » qui demeurent rares,
- Construire par elles-mêmes les compétences nécessaires par l’intermédiaire de la formation professionnelle continue, l’alternance …
Le travail de relevé des pratiques dans le cadre de l’étude DEMINOV mené par l’ADIV a mis en évidence la persistance d’un modèle de recrutement de personnel immédiatement opérationnel. Or cette pratique ne permet pas de répondre durablement aux besoins, comme en témoigne l’externalisation des recrutements et l’introduction de main d’oeuvre étrangère même à l’échelle des TPE.
La méthode consistant à recruter localement des candidats à l’emploi sur la base de quelques pré-requis en vue de les professionnaliser paraît mieux adaptée à la situation de l’emploi et des caractéristiques spécifiques du secteur viande. Cette méthode rend nécessaire l’accompagnement et l’intégration par la formation sous des formules de type alternance comme les contrats de professionnalisation. Elle requiert également une implication de l’entreprise dans l’évaluation et l’évolution des compétences dont elle dispose déjà, afin de faciliter l’intégration des nouvelles générations.
A ce titre, le programme DEMINOV a abouti à la mise à disposition des entreprises de 13 outils simples de gestion des ressources humaines : référentiels de compétences, fiches de poste, guides d’entretien, de recrutement et d’entretien professionnel, livret d’accueil, etc.
ANNEXE
Entreprises ayant bénéficié d’un diagnostic RH par fédérations et par activité
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