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L’Adiv a réalisé, dans le cadre d’une étude financée par l’interprofession bovine et ovine Interbev, des essais de broyage et de traitement thermique sur des sous-produits animaux en combinant plusieurs barèmes temps-température sur du matériel de la société Ecodas. Les résultats de l’étude révèlent l’influence des combinaisons de couple temps-température sur le coût de revient du traitement des sous-produits animaux. Les résultats montrent également qu’une adaptation de ces paramètres est envisageable sans pour autant réduire la sécurité sanitaire des sous-produits animaux traités.
Les coûts liés à la gestion des sous-produits animaux, et en particulier les coûts associés aux sous-produits de catégorie 1 et 2, représentent une charge importante pour les établissements d’abattage et de découpe de viandes. Les sous-produits animaux de catégorie 1 et 2 ne sont pas collectés dans les établissements de l’industrie des viandes de manière sélective. Ils sont regroupés dans les mêmes contenants et dirigés vers des unités de traitement de catégorie 1 et 2 utilisant les méthodes de transformation précisées par la réglementation à savoir le Règlement (CE) n°142/2011 du 25 février 2011 portant application du Règlement (CE) n°1069/2009 du 21 octobre 2009.
Ce dernier décrit pourtant de nouvelles voies de valorisation applicables spécifiquement aux sous-produits animaux de catégorie 2 telles que la production d’engrais organiques, d’amendements, de compost ou de biogaz après une transformation préalable. Ces nouvelles voies de valorisation représentent pour les professionnels une réelle opportunité à saisir pour réduire leurs coûts de traitement des sous-produits animaux qu’ils génèrent. Actuellement, les barèmes de traitement précisés par la réglementation sont identiques quelle que soit la catégorie de sous-produits animaux. L’objet de l’étude est ainsi d’évaluer l’intérêt d’adapter les paramètres temps et température appliqués aux sous-produits animaux de catégorie 2 tout en conservant un niveau de sécurité sanitaire élevé.
MATERIELS ET METHODES
1. Le matériel d’essai utilisé
Les essais conduits dans le cadre de cette étude ont été réalisés avec une machine développée par la société Ecodas (Roubaix, 59) et utilisée pour broyer et stériliser les déchets hospitaliers à risque infectieux. Cette technologie largement reconnue pour son efficacité de traitement dans ce secteur d’activité a donné des résultats concluants sur des sous-produits animaux de boucherie. Le matériel utilisé lors des essais est le modèle T150 (figure 1), modèle qui possède une capacité volumique de traitement de 150 Litres par cycle.
2. Sélection d’une entreprise pour la réalisation des essais
Un cahier des charges visant à choisir une entreprise pouvant accueillir l’outil développé par Ecodas a été diffusé aux 10 établissements d’abattage des départements du Nord et du Pas de Calais, départements ciblés afin de limiter les coûts de transfert du matériel. Les sites industriels sollicités étant des outils de petites tailles et/ou en proie à des restructurations importantes, aucun des établissements n’a donné son accord pour accueillir l’outil pilote. Afin de poursuivre l’étude, il a été décidé par le comité de pilotage de réaliser les essais prévus sur le site de la société Ecodas.
3. Analyse des dangers préalable au suivi des essais
Afin de déterminer le ou les agents pathogènes de référence, l’analyse des dangers a été menée selon une triple démarche. Dans un premier temps, une liste des agents pathogènes des animaux de boucherie et de la volaille a été établie en fonction des références suivantes : la Directive 2003/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 sur la surveillance des zoonoses et des agents zoonotiques modifiée par la Directive 2006/104/CE du Conseil du 20 novembre 2006, la liste des maladies référencées par l’Organisation mondiale de la santé animale et la liste des maladies réputées contagieuses mentionnées à l’article L.223-2 du code rural.
Dans un deuxième temps, une démarche d’exclusion/consolidation a été menée à partir de la liste initiale. A l’issue de ces deux étapes, aucune des bactéries listées n’est à inclure dans le suivi microbiologique de l’étude pour diverses raisons : les prions relèvent de la catégorie 1, les conditions de traitement thermique (température > 20°C) impliquent que certains agents ne peuvent pas survivre etc…). Enfin, la prise en compte des exigences précisées dans le Règlement (CE) n°1069/2009 et l’avis des experts du Pôle Hygiène et Sécurité Sanitaire de l’ADIV a permis de mettre en avant l’agent pathogène à suivre : la bactérie « Clostridium perfringens ». Cette bactérie constitue l’indicateur biologique à retenir pour s’assurer de la bonne conservation de la sécurité sanitaire.
4. Les couples temps/températures retenus
Pour le traitement des sous-produits animaux, trois couples temps/température ont été retenus : • 133°C-20 min : barème de la transformation normalisée la plus couramment utilisée par les professionnels de la transformation des sous-produits animaux ; • 138°C-10 min : barème communément appliqué aux déchets infectieux hospitaliers ; • 121°C-12 min : barème rencontré dans la littérature (E. Hamel, 1981) associé au germe « Clostridium perfringens ». Pour chaque couple de traitement, 5 essais on été effectués soit 15 cycles de traitement au total.
5. Les paramètres suivis
Plusieurs paramètres ont été suivis lors des essais : • Indicateur biologique (Clostridium perfringens) : quantité inoculée et dénombrement de Clostridium perfringens après traitement des sous-produits animaux par le matériel Ecodas ; • Fluides énergétiques consommés pendant le traitement thermique : électricité, vapeur, eau ; • Flux de matières : quantité de sous-produits animaux bruts, quantité de sous-produits animaux traités ; • Elements de conduite du matériel : Temps de cycle et valeur stérilisatrice ; • Incidences environnementales : prélèvement d’échantillons sur la fraction liquide résiduelle après le traitement thermique et sur la fraction solide des sous-produits animaux traités.
RESULTATS ET DISCUSSION
L’analyse des résultats obtenus lors des essais s’est faite au travers de 4 grands axes : un bilan des flux de matières et d’énergie, un bilan concernant la sécurité sanitaire, un bilan des incidences environnementales et une analyse économique. Des perspectives d’assouplissement des barèmes testés ont par la suite été envisagées.
1. Bilan des flux de matières et d’énergie
Pour réaliser ce bilan, 3 critères ont été considérés : la réduction de volume de sous-produits animaux, la durée totale du cycle et la consommation des fluides (eau, gaz et électricité). Les résultats des essais ont révélé que le barème 133°C-20 min est le plus favorable du point de vue de la réduction du volume des sous-produits animaux : réduction du volume de 43 % en comparaison d’une réduction de 36% pour le barème 121°C-12 min et de 41 % pour le barème 138°C-10 min.
Le barème 121°C-12 min est, quant à lui, le plus favorable concernant la durée totale du cycle (28 minutes pour ce barème, 37 minutes pour le barème 133°C-20 min et 30 minutes pour le barème 138°C-10 min) et les consommations de fluides énergétiques.
L’analyse multicritère des flux de matières et d’énergies montre donc que le barème 121°C-12 min est le plus intéressant.
La figure 2 permet de montrer les sous-produits animaux avant et après broyage et traitement thermique par la machine Ecodas.
2. Bilan de la sécurité sanitaire
Le barème 121°C-12 min obtient les valeurs stérilisatrices les plus faibles (entre 11 et 17 min). Le mode de calcul de la valeur stérilisatrice est le suivant :
Avec : VSi : valeur stérilisatrice partielle (min) ti : intervalle de temps entre deux mesures (min) Ti : température au temps ti (°C) 120,1°C : température de référence pour la stérilisation Z : variation de température qui entraîne une variation du temps de réduction décimale d’un facteur 10 (°C).
Lorsque le traitement thermique appliqué dépasse 100°C, Z prend la valeur de 10. VS : valeur stérilisatrice (min)
Le barème 121°C-12 min donne des valeurs stérilisatrices qui assurent un niveau de sécurité sanitaire adapté à la plupart des produits alimentaires et adapté à l’agent biologique testé. Les deux autres barèmes donnent des valeurs stérilisatrices très élevées (valeurs supérieures à 400 min) et largement au-delà des valeurs de référence dans les secteurs connus pour être les plus drastiques en matière de sécurité sanitaire. Par ailleurs, les analyses de l’Institut Pasteur de Lille sur les « Clostridium perfringens » ont montré que les sous-produits animaux transformés sont exempts de ces bactéries pour tous les essais (y compris pour le barème avec les valeurs stérilisatrices les plus faibles). Compte tenu des marges identifiées entre les différents barèmes testés, des perspectives d’assouplissement des barèmes de traitement sont donc possibles tout en conservant un niveau de sécurité sanitaire élevé.
3. Bilan des incidences environnementales
Les émissions gazeuses du procédé sont maitrisées par un dispositif de condensation des particules odorantes sur la machine. Les particules odorantes se retrouvent ainsi dans la fraction liquide des effluents à traiter. Concernant les effluents liquides, les valeurs de DCO et DBO5 sont très élevées, respectivement 110 650 mg/L et 52 430 mg/L. Le rejet direct de ces effluents dans le réseau d’eaux résiduaires industrielles est possible dans certains cas mais la plupart du temps, il sera nécessaire de mettre en place des équipements adaptés supplémentaires : décanteurs, tricanteurs, unité de méthanisation avec production de biogaz. Les valeurs de DCO et DBO5 pour les résidus solides sont également très élevées : 80 700 mg/L pour la DCO et 44 760 mg/L pour la DBO5. Néanmoins, ces résidus solides ne créent pas d’incidences environnementales supplémentaires dans la mesure où ils peuvent être dirigés vers des voies de valorisation agronomiques en mélange avec les sous-produits qui empruntent déjà ces voies de valorisation.
4. Analyse économique
L’estimation des coûts de traitement des sous-produits animaux des trois barèmes testés lors des essais est réalisée à partir des charges liées aux investissements (tableau 1), à l’utilisation d’énergie et de fluides (gaz, électricité, eau consommée, eaux usées), à l’entretien et à l’utilisation de services extérieurs (évacuation/élimination des sortants solides du process). Les coûts du personnel sont négligeables et ne sont donc pas pris en compte.
Le tableau 2 permet de synthétiser les coûts qui ont été retenus pour le fonctionnement de la machine. L’analyse économique a permis d’aboutir aux coûts de traitement suivants (figure 3) : 123 € HT/tonne sous-produits animaux de classe 2 traités pour le barème 133°C-20 min ; 104 € HT/tonne sous-produits animaux de classe 2 traités pour le barème 121°C-12 min ; 107 € HT/tonne sous-produits animaux de classe 2 traités pour le barème 138°C-10 min.
Suivant les hypothèses retenues pour l’analyse économique, quel que soit le barème utilisé, le coût de revient de traitement des sous-produits animaux est inférieur au coût d’enlèvement appliqués aux abattoirs générant des volumes de sous-produits animaux de catégorie 2 compris entre 220 et 300 tonnes par an.
L’analyse économique révèle donc l’intérêt du traitement des sous-produits animaux de catégorie 2 in situ. Par ailleurs, en fonction du barème testé, le surcoût de traitement peut atteindre 20 € HT de plus pour le barème 133°C-20 min (barème le moins favorable du point de vue économique) par rapport au barème 121°C-12 min (barème le plus favorable du point de vue économique).
Les exigences réglementaires qui fixent les paramètres de traitement ont donc un impact économique important sur le coût de traitement des sous-produits animaux.
5. Perspectives d’adaptation des paramètres de traitement
La réglementation distingue trois catégories de sous-produits animaux en fonction des niveaux de risques sanitaires potentiels qu’ils sont susceptibles de comporter. Cependant, la réglementation impose des paramètres de traitement qui sont identiques quelle que soit la catégorie de sous-produits animaux. Des perspectives d’assouplissement des conditions de traitement sont donc envisageables notamment dans le cas des sous-produits animaux de catégorie 2. Les barèmes 133°C-20 min et 138°C-10 min ont obtenus des valeurs stérilisatrices très élevées (supérieures à 400 minutes).
Il est donc possible d’assouplir les conditions de traitement en prenant comme référence une valeur stérilisatrice de 100 min. Le fait de limiter les valeurs stérilisatrices à 100 minutes à partir du moment où la machine est en phase de palier, n’entame en rien la sécurité sanitaire. En revanche, il permet de réduire les durées du palier à 7 minutes au lieu de 20 minutes pour le barème à 133°C et à 3 minutes au lieu de 10 min pour le barème à 138°C.
Comme pour les 3 barèmes précédents, les coûts de traitement des sous-produits animaux de catégorie 2 ont été estimés : - 96 € HT/tonne sous-produits animaux de classe 2 traités pour le barème 133°C-7 min ; - 93 € HT/tonne sous-produits animaux de classe 2 traités pour le barème138°C-3 min. A efficacité comparable en termes de sécurité sanitaire, le coût de traitement lié à l’utilisation du barème 138°C-3 min est plus intéressant que celui du barème 133°C-7 min.
Les résultats montrent donc que pour un niveau de sécurité sanitaire comparable, les combinaisons de couple temps-température influent sur les coûts de revient. Des perspectives d’adaptation des paramètres de température et de durée précisées par la réglementation sont donc envisageables à partir du moment où une valeur stérilisatrice aura été fixée avec les autorités compétentes. L’analyse économique montre aussi que le barème 138°C-3 min est le barème le plus intéressant parmi l’ensemble des 5 barèmes étudiés (figure 4).
CONCLUSION
Les essais réalisés ont permis de montrer la faisabilité technique du broyage et de la stérilisation de différents types de sous-produits animaux y compris des os avec le matériel d’Ecodas. Ils ont également mis en exergue l’impact des contraintes réglementaires sur les coûts d’exploitation de l’étape de transformation des sous-produits animaux. Les essais ont par ailleurs confirmé que des perspectives d’adaptation des paramètres de température et de durée précisés par la réglementation sont possibles et envisageables sans réduire la sécurité sanitaire.
Cette étude préalable doit servir de référence pour proposer aux autorités compétentes d’étudier plus en détail l’utilisation de nouveaux paramètres de fonctionnement pour le traitement et la transformation des sous-produits animaux de catégorie 2. Selon les hypothèses prises dans cette étude, le traitement des résidus solides sur site semble être une alternative qui pourrait être envisageable à la fois sur le plan technique et sur le plan économique.
Le développement des voies de valorisation des résidus solides vers des voies agronomiques peut constituer un atout supplémentaire pour favoriser l’intégration des méthodes de transformation et l’acquisition de la maitrise des technologies existantes de transformation des sous-produits animaux de catégorie 2 sur des sites industriels du secteur viande.
Glossaire :
DCO : Demande Chimique en Oxygène La demande chimique en oxygène est la quantité d'oxygène consommée par les matières existant dans l'eau et oxydables dans certaines conditions opératoires. Il s'agit d'un des paramètres spécifiques que l'on utilise pour déterminer la concentration des polluants principaux. C'est une mesure globale des matières organiques et de certains sels minéraux oxydables (pollution organique totale), à la différence de la DBO5, qui ne prend en compte que les matières organiques biodégradables.
DBO5 : Demande Biochimique en Oxygène à 5 jours La demande biochimique en oxygène est la quantité d'oxygène consommée dans des conditions d'essai spécifiques (incubation pendant 5 jours, à 20° dans l'obscurité) par les micro-organismes présents dans l'eau, pour assurer la dégradation de la matière organique par voie biologique.
Vs : Valeur stérilisatrice La valeur stérilisatrice est une durée de traitement thermique, exprimée en minutes, à une température donnée (appelée température de référence), qui permet la destruction d’une certaine quantité de micro-organismes dont les caractéristiques de thermorésistance sont connues.
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