La revue Viandes et produits carnés

La revue française de la recherche en viandes et produits carnés  ISSN  2555-8560

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 ECONOMIE ET CONSOMMATION

 
 

Consommation de viande de ruminants en France

Résumé de l'article | 

Analyse des évolutions des niveaux de dépenses à partir de l’enquête « Budget de Famille » (1995-2005)

Les viandes de ruminants tiennent une place centrale dans le modèle alimentaire français. Pourtant, depuis le début des années 1980, leur part dans la consommation totale de viande et produits carnés diminue. L’article propose une analyse des évolutions des niveaux de dépenses des ménages à partir des enquêtes « Budget de famille » de l’Insee et identifie les déterminants des tendances observées.

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La consommation de produits carnés (viandes de boucherie, de volailles, charcuterie, conserves et plats préparés) a connu des évolutions notables durant les trente dernières années : des travaux antérieurs exploitant différentes sources d’informations (enquêtes alimentaires de l’Institut national de la statistique et des études économiques — Insee, panel TNS-Sécodip) ont mis en évidence une inflexion de la consommation totale de viande des ménages à domicile, s’expliquant en grande partie par la baisse de la viande bovine (1; 2).
L’objectif de cet article est d’analyser les évolutions récentes des dépenses de consommation de viandes issues de ruminants sur la période 1995-2005, en exploitant une source d’informations jusqu’alors peu mobilisée à cet effet : l’enquête « Budget de famille » de l’Insee.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

L’enquête "Budget de famille" (Bdf)

Réalisée tous les cinq ans par l’Insee, l’enquête « Budget de Famille » (BdF) a pour objectif d’évaluer les dépenses et les ressources des Français (métropole et DOM) à l’aide d’un échantillon représentatif (environ 10000 ménages). L’enquête s’intéresse à l’ensemble des postes du budget d’un ménage (achat de biens et de services, investissements, transferts). Elle constitue une source de données intéressante en raison de sa couverture à la fois large et détaillée des dépenses et ressources ainsi que du caractère homogène dans le temps de la méthodologie employée. Pour ce qui concerne les dépenses alimentaires, la collecte d’information porte sur 14 jours consécutifs : chaque membre du ménage est invité à enregistrer ses dépenses à l’aide de carnets de compte. L’étalement de l’enquête sur toute l’année (en répartissant équitablement l’échantillon sur « vagues » d’enquête) permet d’éliminer les variations saisonnières de consommation. Les dépenses et ressources peuvent être analysées au regard des nombreuses caractéristiques sociodémographiques des ménages recueillies durant l’enquête.

Méthodes


À partir des fichiers des trois dernières enquêtes BdF (1995, 2000, 2005), nous avons extrait les dépenses liées à l’achat de produits carnés au niveau le plus fin de la nomenclature, les informations concernant le nombre de repas pris à l’extérieur du domicile, ainsi que les principales caractéristiques sociodémographiques des ménages.
Dans un premier temps, la structure des dépenses en produits carnés a été reconstituée pour les 3 années (1995, 2000, 2005). Afin de s’affranchir de l’effet de l’inflation dans l’interprétation des résultats, les dépenses brutes enregistrées dans BdF ont été converties en € base 2005 par personne en utilisant l’Indice des Prix à la Consommation (IPC) de l’Insee.
Dans un second temps, pour l’univers des viandes de ruminants (boeuf, veau, ovin et caprin), des dépenses annuelles par unité de consommation pour un même nombre de repas pris à domicile ont été calculées. L’intérêt de rapporter les dépenses au nombre d’unités de consommation (UC) est de prendre en compte les économies d’échelle observées en matière de consommation. Chaque individu est affecté d’un coefficient selon son poids dans la consommation du ménage. Ainsi, l’échelle utilisée par l’Insee (échelle OCDE) affecte un coefficient de 1 à la personne de référence, de 0,5 aux autres «adultes » du ménage (personnes de 15 ans ou plus), et de 0,3 aux enfants (moins de 15 ans). Le nombre d’UC d’un ménage est donc inférieur ou égal au nombre de personnes le composant. De plus, l’expression des dépenses à nombre équivalent de repas pris à domicile sur l’année permet de lever le biais classique de la comparaison des dépenses entre catégories de ménages recourant de façon très différente à la Restauration Hors Domicile (cadres déjeunant fréquemment à l’extérieur versus agriculteur déjeunant essentiellement à son domicile par exemple). Seuls les ménages dont la proportion de repas pris à domicile dans l’année est supérieure à 50% ont été retenus. L’application de cette condition ramène notre échantillon à 9207 ménages en 1995, 9683 en 2000 et 9774 en 2005 (au lieu par exemple des 10240 de l’échantillon BdF de 2005).

Les dépenses annuelles par UC liées à l’achat de produits carnés ont ensuite été analysées en fonction des principales caractéristiques sociodémographiques des ménages. Nous avons retenu le revenu disponible (ensemble des revenus disponibles hors revenus exceptionnels, minorés de l’impôt sur le revenu), la tranche d’âge de la personne de référence du ménage (c’est-à-dire l’homme du couple ou le parent de la famille monoparentale), la génération de la personne de référence, le niveau du diplôme le plus élevé du ménage, le type de commune et la région de résidence.

Traitement statistique des données

Le traitement statistique des données a été réalisé à l’aide du logiciel STATA®. Sur les trois enquêtes, une analyse de la variance à six critères (caractéristiques sociodémographiques citées ci-dessus) a été menée pour quatre types de dépenses : la viande de gros bovin, la viande hachée, la viande de veau et la viande ovine. Puis une régression linéaire des dépenses de viande de gros bovin incluant les variables sociodémographiques ayant le plus fort impact a été réalisée pour l’année 2005.

RÉSULTATSconsom fig1 red

Niveau des dépenses en produits carnés et évolution de leur structure.

La dépense en produits carnés pour la consommation à domicile, exprimée en € base 2005, diminue entre 1995 et 2005, passant de 601 € 475 € par personne (figure 1). La baisse est marquée entre 1995 et 2000.
En 2005 ce poste de dépenses représente 24,3% du budget alimentaire (hors boissons alcoolisées), contre 32% en 1995.
La structure des dépenses en produits carnés évolue légèrement la part consacrée aux achats de viande de ruminants diminue (passant de 36,9% à 3 1,8% des dépenses en produits camés) au profit du poste «charcuteries, conserves et plats préparés ». Le poste « autres viandes » (cheval, porc, volailles, lapin et gibier) est stable sur la période (22,7% en 2005 contre 22,8% en 1995).

 

Effets des caractéristiques sociodémographiques.

Les analyses de la variance sont menées de façon identique sur les trois populations prises séparément elles font apparaître les effets significatifs (p < 0,05) à très hautement significatifs (p < 0,001) de certaines variables, ces effets différant sensiblement selon l’année et le produit observé (tableau 1).

 

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Nous choisissons d’illustrer le sens et l’amplitude de ces effets pour trois variables : le revenu, l’âge et la génération. En dépit d’effets significatifs pour l’ensemble des viandes, la variable région ne sera pas prise en compte dans l’analyse qui suit en raison de l’impossibilité de dégager des conclusions nettes (classement des effets différentiels très variable selon les années).

Pour les trois critères retenus, et afin de s’affranchir de l’effet de l’inflation, nous adoptons une représentation en indices les dépenses brutes sont rapportées à la moyenne des dépenses pour l’année observée (moyenne indice 100).

 


Effet du revenu

consom fig2 redUn effet positif du revenu sur les dépenses est nettement observé pour les viandes de gros bovin, de veau et d’ovin (et pour les trois années) mais à des degrés variables. En viande ovine, seul le dernier quartile de revenu disponible par UC présente une dépense supérieure à la moyenne de la population (figure 2). L’effet du revenu est peu marqué en viande hachée.

Effet de l'âge de la personne de référence

consom fig3 redLes dépenses en viande de gros bovin augmentent jusqu’à un âge compris entre 55 et 65 ans puis régressent (figure 3). La même tendance s’observe pour la viande ovine, et — avec un décalage vers la droite du graphique — pour la viande de veau.

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En revanche, les dépenses du poste viande hachée décroissent avec l’âge (figure 4) en 2000 et 2005, elles atteignent un maximum pour la tranche d’âge 35-45 ans puis diminuent rapidement jusqu’à environ 60% de la dépense moyenne à partir de 75 ans.

 

Effet de la génération de la personne de référence

La mise en évidence d’un effet de génération est possible en comparant, pour un même âge, l’écart des niveaux de dépenses entre des ménages dont la personne de référence appartient à des générations distinctes. La population a été scindée en huit classes d’année de naissance d’une amplitude - arbitrairement choisie - de 10 ans (les générations).
Les valeurs extrêmes (naissance avant 1906 et après 1985) n’ont pas été retenues en raison de leur faible effectif.
consom fig5 redDans l’ensemble, l’effet génération est peu marqué sauf pour la viande de veau de 1995 à 2005, les dépenses par UC (exprimées en € base 2005) de la génération n sont systématiquement inférieures, au même âge, à celles de la génération n-1 (figure 5).

Amplitude des effets observés

En conservant les trois variables ayant le plus d’impact (hors région de résidence) sur les dépenses par UC, une régression linéaire de ces dernières pour l’achat de viande de gros bovin en 2005 permet de mettre en évidence l’importance des effets ainsi, le 4e quartile de revenu dépense 84 € de plus que le 1er (pour une dépense annuelle moyenne de 156 €).
De plus, même si l’effet de la variable diplôme n’est pas significatif, on observe que les ménages dont le diplôme le plus élevé est de niveau «Bac + 3 ou plus » ont un niveau de dépense quasi-équivalent à ceux n’ayant aucun diplôme et inférieur à toutes les autres catégories.

DISCUSSION

Les résultats sur la structure des dépenses en produits carnés et son évolution confirment ceux obtenus à partir d’autres sources d’information (3) le poids du poste « produits carnés » est en recul sur la période 1995-2005. De plus, les viandes de ruminants (parmi lesquelles figure en premier lieu la viande de gros bovin) sont devancées par la charcuterie et les plats préparés et n’occupent donc plus la première place de ce groupe en termes de dépense. Pour la viande bovine, cette tendance à la baisse des dépenses se double d’une baisse des quantités consommées, repérées par les données du panel TNS-Sécodip.

consom tab2 redL’analyse des dépenses obtenue avec l’enquête BdF peut cependant occulter pour certains postes l’effet de l’évolution des prix sur la consommation exprimée en volume (kg) ainsi, le poste « autres viandes », essentiellement constitué des viandes de volailles, voit sa part stagner (environ 23%) et la dépense brute régresser alors même que les consommations pondérales par personne de ces viandes ont progressé sur la période considérée. Il s’agit là d’une des limites actuelles de l’enquête BdF conçue pour observer la totalité des revenus et des dépenses des ménages, elle ne permettait pas de recueillir les quantités de produits alimentaires achetées. Une procédure de saisie standardisée de ces quantités a été intégrée à l’enquête 2005 et devrait constituer une avancée intéressante notamment pour étudier l’effet des prix des produits sur la demande (4).

L’analyse des effets des caractéristiques des ménages sur les dépenses confirme pour l’ensemble des viandes bovines et ovines l’impact du revenu disponible et de l’âge de la personne de référence, et — pour la viande de veau - de la génération; ces effets avaient été observés par Combris (1 ; 5) à partir des données du panel Sécodip ou par Recours et al. (6) sur les enquêtes BdF de la période 1979- 2000. L’effet de l’instruction (appréhendée avec le diplôme le plus élevé du ménage) est plus faible. Il convient cependant d’être prudent dans l’interprétation car la part de la variation des dépenses entre ménages expliquée par ces caractéristiques est très faible.
Ce constat illustre le fait que les arbitrages des ménages en terme d’achat de produits carnés ne répondent pas uniquement à des variables structurelles, ils sont partiellement déterminés par des attitudes vis-à-vis des différents produits carnés, qui se traduisent en comportement d’achat ou de non achat (7; 8).

Enfin, les résultats montrent l’intérêt de se placer à un niveau de nomenclature fin (type de produits) pour la viande de gros bovin, comme l’avaient souligné Mainsant et al. (1) dans leur analyse des données de consommations pondérales du panel Sécodip. En effet, comme nous l’avons illustré sur le cas de la viande de gros bovins, les tendances observées sur un groupe de produits peuvent être contredites pour un sous-groupe de cet ensemble (viande hachée fraîche et surgelée par exemple).

CONCLUSION

L’enquête « Budget de Famille » constitue une source complémentaire à la méthode des bilans et aux données de panels, pour évaluer la consommation des produits carnés. Bien que présentant des limites (relevé des dépenses sur une courte période, non-enregistrement des quantités jusqu’en 2005), elle permet la comparaison des dépenses engagées par les ménages pour les différents postes de l’alimentation, et ce pour un nombre équivalent de repas pris au domicile. En outre, la richesse des variables sociodémographiques enregistrées et l’homogénéité dans le temps du protocole d’enquête constituent des atouts pour la mise en évidence des dynamiques d’évolution. Les informations concernant les quantités, enregistrées depuis 2005, devraient apporter une valeur ajoutée à cette base de données, en permettant notamment des confrontations avec les autres sources classiquement mobilisées pour l’analyse de la consommation des produits carnés. Les résultats que livrera la prochaine enquête Bdf (prévue en 2010) permettront de vérifier si les tendances observées avec le panel TNS Sofres depuis le début de la crise économique (à savoir une baisse des volumes achetés de viande de ruminants et une tendance à l’achat de produits meilleur marché) se confirment ou non.

Remerciements
Les auteurs remercient Véronique Nichèle (Inra-ALISS) pour sa contribution à la mise à disposition de fichiers Insee possédant la nomenclature fine par produit.


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