II. MATERIEL ET METHODES : ENQUETE SUR LES ATTENTES DE LA RHD
En parallèle de la structuration et du développement de la Filière Viande de Bœuf Locale et afin d’adapter la gamme de produits à la demande des parties prenantes, Plainemaison a engagé, en partenariat avec Bordeaux Sciences Agro (École nationale supérieure des sciences agronomiques de Bordeaux), une grande consultation auprès de différents acteurs de la restauration collective en région Nouvelle-Aquitaine afin de :
• préciser la stratégie des établissements vis-à-vis de la loi EGalim,
• mesurer l’intérêt des établissements pour une démarche d’approvisionnement en viande bovine locale.
Pour ce faire, 180 établissements scolaires néo-aquitains (sur un total de 354) localisés dans 5 zones de la région nouvelle aquitaine, définies autour des villes les plus peuplées, afin d’avoir un échantillon représentatif de l’ensemble de la région ont été contactés. Des entretiens ont été organisés pour la plupart en face-à-face, en se basant sur un questionnaire d’enquête semi-directif. Les établissements scolaires ont été contactés par ordre décroissant de leur nombre d’élèves.
Le questionnaire d’enquête a été organisé en 4 grandes parties. La première visait à décrire la structure et le fonctionnement de la cuisine. Les pratiques actuelles (types d’achats, fréquence des achats, fabrication des repas, place de la viande bovine, …) ont été détaillées dans une seconde partie. Les interlocuteurs ont ensuite été sondés sur leur connaissance de la loi EGalim, leurs questionnements et craintes vis-à-vis de son application. Enfin, la discussion a porté sur leurs besoins et attentes en termes de viande bovine dans le contexte de la loi EGalim.
III. RESULTATS – DISCUSSION : QUELLES SONT LES ATTENTES DE LA RESTAURATION HORS DOMICILE EN NOUVELLE AQUITAINE ?
III.1. Caractéristiques de l’échantillon
A l’issue de l’enquête, 97 établissements ont été enquêtés (représentant 118 653 élèves), mais également des intermédiaires et des prestataires (au total 195 établissements), couvrant ainsi 172 444 élèves (soient près de 50% des élèves de Nouvelle-Aquitaine). La grande majorité (77%) des personnes enquêtées était des chefs de cuisine, les autres personnes rencontrées étant des gestionnaires (gestionnaires financiers ou gestionnaires de matières premières). L’immense majorité des établissements était en régie directe (99%) avec une préparation sur place (97%).
L’échantillon final, constitué de 66% de lycées et 34% de collèges, a pu être réparti en trois classes selon le nombre de couverts servis (Figure 1). Certains des établissements servant plus de 1 000 couverts, desservent également d’autres structures (écoles primaires, autres collèges et lycées, auberges de jeunesse, …).
Une majorité des entretiens (98%) a été réalisée avec le chef cuisinier de l’établissement.
La consommation de viande bovine dans les établissements scolaires étant conditionnée par le Programme National Nutrition Santé (PNNS), elle dépend du choix des autres composantes du menu. Il est en outre important de préciser que, depuis l’enquête, un sous objectif spécifique aux viande et aux poissons a été introduit dans l’article 257 de la nouvelle loi Climat et Résilience, obligeant la diversification des sources de protéines et précisant, dans le cas des viandes (et des poissons), que les produits de qualité et respectueux de l’environnement devront représenter une part d’au moins 60% à partir du 1er janvier 2024 et de 100% pour la restauration de l’État, ses établissements publics et les entreprises publiques nationales.
Conformément aux exigences de la loi EGalim, la plupart des établissements servent un plat végétarien par semaine (au choix ou non). Aussi est-il logique de constater des différences dans les fréquences moyennes mensuelles de viande bovine. En région Bordelaise, les établissements scolaires servent généralement 4 à 5 fois par mois de la viande bovine, alors que dans la zone sud-ouest de la région, elle est proposée 6 et 7 fois par mois (Figure 2).
Figure 1 : Répartition des établissements selon le nombre de couverts quotidiens
Figure 2 : Nombre moyen de repas à base de viande bovine servis par mois dans les différentes zones enquêtées en Nouvelle-Aquitaine
Le coût des matières premières ne devant pas se répercuter sur le prix à payer par les élèves, les menus sont généralement composés de sorte de maintenir un "prix fixe" (variable selon les zones). Dans les différents menus, la viande doit être accompagnée d’un hors d’œuvre "peu coûteux" (les professionnels enquêtés conviennent néanmoins qu’il est aujourd’hui assez facile de s’approvisionner en légumes, fruits et produits secs de qualité, à "prix abordables"). Les coûts de repas sont variables entre les différentes zones étudiées : en Dordogne, selon les tarifs fournis par les professionnels interviewés, il est 14% plus élevé qu’à Bordeaux. De manière générale, au regard des informations récoltées auprès des établissements enquêtés le coût matière moyen pour un repas oscille entre 1,1 et 4,2 €/jour, selon la composition, mais aussi selon la taille des portions (variant avec l’âge des élèves) ou encore le nombre de propositions par repas.
Selon les résultats de notre enquête, la viande constitue la moitié du coût matière du repas, cette part étant bien entendu variable selon le type de morceau et de démarcation de la viande (agriculture biologique, label rouge, …). On peut également noter que le sauté, la viande hachée et le steak haché constituent une base dans les achats de viande des collectivités rencontrées. Si les achats sont les mêmes d’un territoire à l’autre, il semble que les achats des collèges soient globalement moins variés que ceux des lycées avec une proportion supérieure d’achat de steaks hachés.
D’après les professionnels interviewés, le prix, la qualité et l’origine sont des critères importants pour choisir un fournisseur. Il faut toutefois noter que même en se fournissant auprès d’une entreprise locale, l’origine locale ou nationale de la viande n’est pas toujours garantie (sans toutefois que les professionnels enquêtés en prennent toujours conscience). Ce résultat montre le fort potentiel de la "démarche viande locale de Nouvelle-Aquitaine". Il conviendra donc trouver le bon compromis permettant d’allier 1) local, 2) qualité et 3) prix abordable compte tenu des budgets contraints des établissements, mais suffisant pour permettre une juste rémunération des différents maillons de la chaîne.
III.2. Connaissance et adaptation à la loi Egalim
Au moment de l’enquête (fin 2019 - début 2020), 94% des professionnels enquêtés avait déjà entendu parler de la loi EGalim, mais la plupart d’entre eux, qu’ils soient gestionnaires ou chefs de cuisine, ne maîtrisait pas les points spécifiques de la loi qui les concernaient.
Une fois les contours de la loi re-précisée à nos interlocuteurs durant l’entretien, ces derniers ont relevé un certain nombre de freins à l’application de la loi EGalim dans leur établissement, notamment :
- Le surcoût engendré et son financement
- Les contraintes liées à la mise en place logistique (fourniture régulière en quantités importantes, manque de réponse des producteurs locaux aux appels d’offre).
- La formulation imprécise des appels d’offre marchés publics relativement au terme "local", les contraintes imposées ne pouvant pas être trop restrictives afin d’éviter toute discrimination.
Toutefois, les structures de grande ampleur se considèrent moins concernées par les contraintes logistiques.
Les professionnels enquêtés ont avancé plusieurs pistes et stratégies envisagées pour leurs futurs approvisionnements, à savoir :
• Continuer à s’approvisionner en local, voire augmenter la part de fournisseurs locaux pour les établissements qui respectent déjà la loi EGalim. Cette possibilité est envisageable, tout en respectant le code des marchés publics notamment lorsque les commandes publiques des établissements sont inférieures à 40 000 € ou encore lorsque les commandes font référence à la fraîcheur des produits.
• Suivre les orientations du marché public auquel ils adhèrent.
• Développer des partenariats avec des producteurs de races locales.
• Augmenter la part de produits issus de l’agriculture biologique.
Il faut toutefois noter que 27% des professionnels enquêtés (principalement ceux qui ne connaissaient initialement pas la loi EGalim) n’envisageaient pas, à court terme, de mettre en place de stratégie spécifique pour répondre aux exigences de la loi EGalim.
Interrogés sur leur intérêt potentiel pour de la viande locale, les professionnels enquêtés ont manifesté une forte demande pour ce type de démarche, notamment dans les zones dans lesquelles peu de produits locaux, durables et de qualité étaient déjà disponibles. Dans les départements des Pyrénées-Atlantiques, du Lot-et-Garonne et des Charentes, les Conseils Généraux ayant commencé depuis plusieurs années à structurer des filières viande bovine locale du département, les attentes en termes de structuration de filière locale ont été moins marquées.
III.3. Création et développement d’une Filière Viande de Bœuf local en Nouvelle-Aquitaine
Lauréat de l’Appel à Projet lancé par la Région Nouvelle-Aquitaine et la DRAAF Nouvelle-Aquitaine, l’entreprise Centre Viande Francis Plainemaison a créé et développé une filière viande de bœuf locale de Nouvelle-Aquitaine pour la restauration hors domicile de la région. L’entreprise CV Plainemaison, principal client de l’abattoir de Limoges, basée dans les locaux de ce dernier, est spécialiste des découpes et transformations de viandes piécées, élaborées et hachées.
A l’initiative de cette Filière Viande de Bœuf Locale, l’entreprise CV Plainemaison met à disposition de ses clients une viande de bœuf issue exclusivement d’animaux nés, abattus, transformés et commercialisés en région, en s’appuyant sur un partenariat fort entre CV Plainemaison et différents acteurs de la filière viande de Nouvelle-Aquitaine.
En amont, CV Plainemaison a organisé une filière d’achat et de ramassage des animaux nés en région dans les fermes de Nouvelle-Aquitaine. Les animaux concernés sont issus des troupeaux lait mais également viande des différents départements néo-aquitains. Un système de reversement de plus-value, encadré par contrat, permet de pérenniser l’engagement des éleveurs dans la filière, et d’assurer une durabilité économique aux éleveurs intégrés dans le projet. Une partie des volumes est ensuite transformée par SOGIVIG (Société Girondine de Viande en Gros – Floirac, 33), entreprise de transformation et conservation de la viande de boucherie. Les produits sont ensuite commercialisés par les 3 partenaires du projet : CV Plainemaison, SOGIVIG et le grossiste alimentaire Transgourmet.
La structuration de la filière et son développement ont été réalisés entre le 1er août 2019 et le 06 février 2020, date à laquelle les produits de la filière "Viande de Bœuf Local" ont été proposés aux collectivités et à différentes structures de restauration hors domicile néo-aquitains. Malgré la crise sanitaire du COVID-19 qui a largement contraint la commercialisation en restauration hors domicile, les tonnages commercialisés depuis le lancement de la filière Viande de Bœuf Local sont prometteurs, laissant espérer des volumes de commercialisation de l’ordre de 120 tonnes en 2021. Ces premiers retours très positifs ont d’ailleurs conduit l’entreprise CV Plainemaison à étendre la gamme locale Nouvelle Aquitaine, qui se décline désormais en bœuf et en porc au niveau de la région Nouvelle-Aquitaine, mais également en bœuf au niveau de la Loire-Atlantique (Figure 3).
Figure 3 : Étiquette permettant l’identification des produits intégrés dans les filières Viande locale développées par les entreprises Beauvallet (dont C.V. Plainemaison)
