Revue Française de la recherche
en viandes et produits carnés

ISSN  2555-8560

 A la une ...


 
 

 

DERNIERS ARTICLES PARUS

La "Déclaration de Dublin" des scientifiques sur le rôle sociétal de l'élevage

 

Déclaration commune de scientifiques de plusieurs pays sur les différentes façons dont la viande contribue positivement au développement des sociétés humaines.
 
Les systèmes d'élevage doivent progresser sur la base des connaissances scientifiques les plus récentes et non sur la base de simplifications, de raccourcis ou de parti-pris, estiment les membres du Comité d'organisation du « Sommet international sur le rôle de la viande dans la société » qui ont émis une déclaration commune, traduite en français par Viandes & Produits Carnés et dont vous trouverez l’original en anglais en annexe.
 

OBJET DE CETTE DECLARATION

Les systèmes d'élevage doivent progresser sur la base des standards scientifiques les plus élevés. Ils sont trop nécessaires à la société pour être l’objet de simplifications, de raccourcis ou de parti-pris fanatique. Ces systèmes doivent continuer d'être intégrés et largement approuvés par la société. Pour cela, les scientifiques sont invités à fournir des preuves solides de leurs avantages nutritionnels et sanitaires, de leur durabilité environnementale, de leurs valeurs socioculturelles et économiques, et apporter des solutions en vue des nécessaires améliorations. Cette déclaration vise à donner la parole aux nombreux scientifiques du monde entier qui mènent leurs recherches avec diligence, honnêteté et succès dans différentes disciplines afin de proposer une vision équilibrée sur l'avenir des productions animales.

LES DEFIS DE L'ELEVAGE

Les systèmes alimentaires d'aujourd'hui sont confrontés à un double défi sans précédent. Il est nécessaire d’accroître la disponibilité des aliments d’origine animale (viande, produits laitiers, œufs) pour aider à satisfaire les besoins nutritionnels non couverts d'environ trois milliards de personnes, pour lesquelles les carences en nutriments aboutissent à des retards de croissance, à l’amaigrissement, à l'anémie et à d'autres formes de malnutrition. Dans le même temps, certaines méthodes notamment à grande échelle des systèmes de production animale présentent des défis en ce qui concerne la biodiversité, le changement climatique et les flux de nutriments, ainsi que la santé et le bien-être des animaux dans le cadre d'une approche globale « Une seule santé ». Avec une forte croissance démographique concentrée en grande partie parmi les populations socio-économiquement vulnérables et urbaines dans le monde, et où une grande partie de la population dépend de l'élevage pour ses moyens de subsistance, les problèmes d'approvisionnement et de durabilité augmentent de façon exponentielle et il devient de plus en plus urgent de proposer des solutions fondées sur des recherches probantes.

 
L’ELEVAGE ET LA SANTE HUMAINE
 
Les aliments d’origine animale fournissent une variété de nutriments essentiels et d'autres composés bénéfiques pour la santé, dont beaucoup manquent dans les régimes alimentaires du monde entier, même parmi les populations aux revenus plus élevés. Les personnes disposant de ressources suffisantes peuvent être en mesure d'avoir une alimentation adéquate tout en limitant fortement la viande, les produits laitiers et les œufs. Cependant, cette approche ne devrait pas être recommandée de façon généralisée, en particulier pour les populations qui ont des besoins élevés, comme les jeunes enfants et les adolescents, les femmes enceintes ou celles qui allaitent, les femmes en âge de procréer, les personnes âgées et les personnes atteintes de maladies chroniques. Les niveaux de démonstration bio-évolutives, anthropologiques, physiologiques et épidémiologiques les plus élevés soulignent que la consommation régulière de viande, de produits laitiers et d'œufs, dans le cadre d'un régime alimentaire bien équilibré, est bénéfique pour les êtres humains.
 
 
L’ELEVAGE ET L’ENVIRONNEMENT
 
Les animaux d'élevage et de rente sont irremplaçables pour maintenir un flux circulaire de matières dans l'agriculture, en recyclant de diverses manières les grandes quantités de biomasse non comestible qui sont générées comme sous-produits lors de la production d'aliments destinés à l'alimentation humaine. Le bétail est ainsi bien placé pour réintroduire ces matières dans le cycle naturel et produire simultanément des aliments de haute qualité. Les ruminants en particulier sont également capables de valoriser des terres marginales qui ne conviennent pas à la production directe d’aliments pour l’homme. En outre, des systèmes d'élevage bien gérés appliquant les principes agroécologiques peuvent générer de nombreux autres avantages, notamment la séquestration du carbone dans les sols, l'amélioration de la santé des sols, la biodiversité, la protection des bassins versants et la fourniture d'importants services écosystémiques. Alors que le secteur de l'élevage est confronté à plusieurs défis importants concernant l'utilisation des ressources naturelles et le changement climatique qui nécessitent d’agir, les programmes monolithiques réducteurs, tels que des réductions drastiques du nombre d’animaux d’élevage, pourraient en fait entraîner des problèmes environnementaux à grande échelle.
 
ELEVAGE ET SOCIO-ECONOMIE
 
Pendant des millénaires, l'élevage a fourni à l'humanité des aliments, des vêtements, de l'énergie, du fumier, des emplois et des revenus ainsi que des actifs, des garanties, des assurances et un statut social. Les aliments d’origine animale sont la source la plus facilement disponible de protéines de haute qualité et de plusieurs nutriments essentiels pour le consommateur moyen. La possession d’animaux d’élevage est également la forme la plus fréquente de propriété privée d'actifs dans le monde et constitue la base du capital financier des communautés rurales. Dans certaines communautés, le bétail est l'un des rares actifs que les femmes peuvent posséder et est une première étape vers l'égalité des sexes. Les progrès des sciences animales et des technologies connexes améliorent actuellement les performances de l'élevage dans toutes les dimensions mentionnées ci-dessus -santé, environnement, socio-économie- plus rapidement qu'à tout autre moment dans l'histoire.
 
 
PERSPECTIVES POUR L'ELEVAGE*

La civilisation humaine s'est construite à partir de l’élevage depuis le début de l'âge du bronze il y a plus de 5000 ans qui est devenu le fondement de la sécurité alimentaire des sociétés modernes d'aujourd'hui. L'élevage est le moyen éprouvé depuis des millénaires pour créer une alimentation saine et des moyens de subsistance sûrs, une sagesse profondément ancrée dans les valeurs culturelles du monde entier. L'élevage durable apportera également des solutions au défi supplémentaire d'aujourd'hui, à savoir rester dans la zone de sécurité des limites de la planète Terre, la seule Terre que nous ayons.

* Le libellé de ce paragraphe provient du Groupe de solutions sur l'élevage durable lors du sommet des Nations Unies sur le système alimentaire en 2021.

 
ANNEXE
 

Voici l’original de la déclaration publiée sur le site https://www.dublin-declaration.org/

Purpose of this Declaration

Livestock systems must progress on the basis of the highest scientific standards. They are too precious to society to become the victim of simplification, reductionism or zealotry. These systems must continue to be embedded in and have broad approval of society. For that, scientists are asked to provide reliable evidence of their nutrition and health benefits, environmental sustainability, socio-cultural and economic values, as well as for solutions for the many improvements that are needed. This declaration aims to give voice to the many scientists around the world who research diligently, honestly and successfully in the various disciplines in order to achieve a balanced view of the future of animal agriculture.

Challenges for Livestock

Today’s food systems face an unprecedented double challenge. There is a call to increase the availability of livestock-derived foods (meat, dairy, eggs) to help satisfy the unmet nutritional needs of an estimated three billion people, for whom nutrient deficiencies contribute to stunting, wasting, anaemia, and other forms of malnutrition. At the same time, some methods and scale of animal production systems present challenges with regards to biodiversity, climate change and nutrient flows, as well as animal health and welfare within a broad One Health approach. With strong population growth concentrated largely among socioeconomically vulnerable and urban populations in the world, and where much of the populace depends on livestock for livelihoods, supply and sustainability challenges grow exponentially and advancing evidence-based solutions becomes ever more urgent.

Livestock and Human Health

Livestock-derived foods provide a variety of essential nutrients and other health-promoting compounds, many of which are lacking in diets globally, even among those populations with higher incomes. Well-resourced individuals may be able to achieve adequate diets while heavily restricting meat, dairy and eggs. However, this approach should not be recommended for general populations, particularly not those with elevated needs, such as young children and adolescents, pregnant and lactating women, women of reproductive age, older adults, and the chronically ill. The highest standards of bio-evolutionary, anthropological, physiological, and epidemiological evidence underscore that the regular consumption of meat, dairy and eggs, as part of a well-balanced diet is advantageous for human beings.

Livestock and the Environment

Farmed and herded animals are irreplaceable for maintaining a circular flow of materials in agriculture, by recycling in various ways the large amounts of inedible biomass that are generated as by-products during the production of foods for the human diet. Livestock are optimally positioned to convert these materials back into the natural cycle and simultaneously produce high-quality food. Ruminants in particular are also capable of valorising marginal lands that are not suitable for direct human food production. Furthermore, well-managed livestock systems applying agro-ecological principles can generate many other benefits, including carbon sequestration, improved soil health, biodiversity, watershed protection and the provision of important ecosystem services. While the livestock sector faces several important challenges regarding natural resources utilization and climate change that require action, one-size-fits-all agendas, such as drastic reductions of livestock numbers, could actually incur environmental problems on a large scale.

Livestock and Socio-Economics

For millennia, livestock farming has provided humankind with food, clothing, power, manure, employment and income as well as assets, collateral, insurance and social status. Livestock-derived foods are the most readily available source of high quality proteins and several essential nutrients for the global consumer. Livestock ownership is also the most frequent form of private ownership of assets in the world and forms the basis of rural community financial capital. In some communities, livestock is one of the few assets that women can own, and is an entry point towards gender equality. Advances in animal sciences and related technologies are currently improving livestock performance along all above mentioned dimensions of health, environment and socio-economics faster than at any time in history.

Outlook for Livestock*

Human civilization has been built on livestock from initiating the bronze-age more than 5000 years ago towards being the bedrock of food security for modern societies today. Livestock is the millennial-long-proven method to create healthy nutrition and secure livelihoods, a wisdom deeply embedded in cultural values everywhere. Sustainable livestock will also provide solutions for the additional challenge of today, to stay within the safe operating zone of planet Earth’s boundaries, the only Earth we have.
For scientific evidence, please refer to presentation recordings from the 19/20 October 2022 International Summit on the Societal Role of Meat. Evidence will also be published in the March 2023 Special Issue of Animal Frontiers.

* The wording of this paragraph is from the Solution Cluster on Sustainable Livestock at the UN Food System Summit 2022

 
La liste des signataires est accessible via https://www.dublin-declaration.org/signatures

Abonnez-vous !

Recevez notre Newsletter chaque trimestre. Vous êtes actuellement 5528 abonnés. VERIFIEZ DANS LES SPAMS ET ENREGISTRER L'EXPEDITEUR DANS VOTRE CARNET D'ADRESSES

Edito

Recréer de la valeur

Le salon international de l’Agriculture va à nouveau mettre en lumière, du 22 février au 2 mars prochain, la fine fleur des élevages français, sous les yeux de visiteurs souvent ébahis. Pourtant, un constat moins plaisant s’impose : l’excellence en matière de production de viande ne fait pas toujours recette. La situation économique des filières sous signes de qualité et d’origine et bio en témoigne. Fin janvier, l’association Limousin Promotion, qui détient huit cahiers des charges Label Rouge et trois cahiers des charges IGP en bœuf, veau, agneau et porc ne pouvait que constater une nouvelle baisse des volumes commercialisés en 2024, même si ceux-ci ont tendance à se stabiliser après une année 2023 particulièrement négative. Un passage à vide en grande partie lié au désengagement des distributeurs, qui se sont tournés, en raison de l’inflation, vers des catégories de produits économiquement plus recherchées par leurs clients, ont expliqué aux journalistes les dirigeants de Limousin Promotion.
Les difficultés traversées par le Label Rouge, singulièrement dans le secteur des viandes et des volailles où il est historiquement bien implanté, ont fini par faire réagir professionnels et politiques, les uns et les autres appelant l’Etat, propriétaire du logo, à défendre et promouvoir cette démarche d’identification auprès des consommateurs. Un appel à la mobilisation générale en faveur des filières Label Rouge a même été lancé en décembre dernier depuis l’Assemblée nationale, en présence des représentants du secteur et de députés de plusieurs groupes politiques. L’appel se base sur un « manifeste » présenté par la Fédération nationale du Label Rouge, que les particuliers sont invités à signer (1).
Si les filières de qualité, qu’elles soient Label Rouge, IGP, AOP ou bio comptent bien relever la tête dans les mois et les années qui viennent, les difficultés qu’elles traversent rendent plus que jamais actuels les réflexions et initiatives visant à améliorer la qualité perçue par les consommateurs de viande et à recréer de la valeur dans les filières animales face au risque de banalisation.
De nombreuses pistes allant dans ce sens ont été évoquées lors de la 70ème édition du Congrès International des Sciences et Technologie de la Viande (ICoMST) qui s’est déroulée à Foz do Iguaçu au Brésil l’été dernier. Placée sous le signe de « la production de viande responsable », les interventions, de haut niveau, ont balayé un grand nombre de sujets d’intérêt pour les professionnels français : production responsable, durabilité, bien-être animal, sécurité sanitaire, outils de mesure objectifs de la qualité, santé humaine et consommateurs. Nous vous en proposons une vision synthétique mais néanmoins très riche au travers de trois articles signés d’Isabelle Legrand (Idele), qui était présente sur place.
Également au sommaire de ce numéro, une présentation des différents chantiers engagés par la filière chasse et gibier pour valoriser l’offre de gibier sauvage français auprès des consommateurs ; une synthèse de la conférence mondiale de la FAO de septembre 2023 sur la transformation de l’élevage dans une optique de durabilité, qui -loin des polémiques du rapport « Livestock's Long Shadow » de 2006-, a engagé un débat objectif et dépassionné autour de l’élevage et la viande ; et enfin une lecture d’actualité sur la perception des consommateurs pour les produits carnés en Algérie.
Bonne lecture !


Bruno CARLHIAN et Jean-François HOCQUETTE

(1) https://www.labelrouge.fr/about-1