
Le Burkina Faso est un pays sahélien dont les principaux secteurs d’activités de la population sont l'agriculture et l'élevage. En effet, l'élevage contribue de manière significative à la croissance de l'économie nationale en contribuant à 18% au PIB et représente 25% des exportations (MAFAP, 2013). La taille du cheptel national en termes de têtes de bovins, d'ovins et de caprins étaient respectivement de 9.840.000, 10.442.000, 15.635.000 (MRA, 2018). Cette disponibilité des animaux entraine une offre assez conséquente en viandes issues de l'abattage local des animaux. Il existe au Burkina Faso deux types de transformation dans la filière bétail-viande à savoir la transformation primaire et la transformation secondaire. La transformation primaire consiste à abattre les animaux pour produire de la viande fraîche. Elle est le principal produit de transformation de la filière. La viande joue un rôle important dans le régime alimentaire humain en raison de sa richesse nutritionnelle. C’est une source précieuse de protéines, de fer, de vitamine du groupe B, de zinc, de sélénium et de phosphore. La transformation secondaire consiste à mettre en œuvre un procédé de transformation : cuisson, séchage et production de charcuterie (MRA, 2013). Cette faible transformation au-delà de la viande fraîche des abattoirs résulterait, d’une part de la maitrise insuffisante des techniques par les professionnels, d’autre part des habitudes culturelles, culinaires locales et du faible pouvoir d’achat des consommateurs (MRA, 2013).
Parmi les produits issus de la transformation de la viande au Burkina Faso, le Kilishi (fine lanière de viande séchée et assaisonnée) a retenu l’attention de la communauté internationale vu son potentiel de marché, sa valeur culturelle, sa qualité nutritionnelle et sensorielle (Ndih et al., 2018). La qualité sensorielle du Kilishi est généralement liée à la formulation de la sauce d’enrobage des lanières de viandes séchées. En effet, de nombreux travaux de recherches ont montré l’impact du dosage des épices et ingrédients utilisés pour la formulation de la sauce d’enrobage des lanières de viande séchées sur la qualité sensorielle du Kilishi et sa durée de conservation (Igene et al., 1990 ; Badau et al., 2009). Cette sauce d’enrobage est composée généralement de tourteaux d’arachides, d’eau, de sel, d’exhausteur de goût de type glutamate monosodique (MSG) et de diverses épices. Parmi les épices, on peut citer le gingembre, l’oignon, le clou de girofle, le poivre noir, le poivre de guinée, le piment rouge et la fausse noix de muscade. La plupart de ces épices et ingrédients qui constituent la sauce d’enrobage des lanières de viandes sont disponibles sur les marchés ouest africains, centres africains et rentrent dans la composition des assaisonnements des grillades de viandes prisées par ces populations (INERA/DTA, 2014 ; Ndih et al., 2018). Les épices et ingrédients du Kilishi pourraient être utilisés pour produire des charcuteries qui répondent aux habitudes culinaires et culturelles des consommateurs burkinabés à faible coût. En effet, au Burkina Faso, les charcutiers rencontrent de nombreuses contraintes liées à leurs activités, parmi lesquelles le coût élevé de certaines épices, ingrédients qui rentrent dans la production de la plupart des charcuteries et leur indisponibilité sur le marché local (INERA/DTA, 2014). C’est dans ce cadre que s’inscrit notre présente étude réalisée au Département Technologie Alimentaire (DTA) de l’Institut de Recherche en Sciences Appliquées et Technologies (IRSAT), dont l’objectif général était de mettre au point une technologie de saucisse en y incorporant des épices et ingrédients du Kilishi de bonne qualité sensorielle, nutritionnelle et microbiologique.
Le matériel biologique utilisé était le suivant :
- de la viande de bœuf provenant de l’abattoir frigorifique de Ouagadougou;
- des boyaux de mouton de diamètre 16-18 mm provenant d’une société de vente du matériel et produits de la charcuterie à Ouagadougou;
- d’épices locales sèches et moulues composées de poivre de guinée (Piper guineense), de clou de girofle (Syzygium aromaticum), de piment rouge (Capsicum frutescens), de poivre noir (Piper nigrum), d’oignons (Allium cepa), de colorant rouge (Fagara zanthoxyloides), de fausse noix de muscade (Monodora myristica), de gingembre (Zingiber officinale) et de feuilles de laurier (Laurus nobilis) provenant de l’épicerie d’une Alimentation de Ouagadougou ;
- du sel et d’un exhausteur de goût de type glutamate mononosodique (MSG) provenant d’une Alimentation de Ouagadougou ;
- de fond blanc de bœuf (composé d’eau, d’extrait de viande osseuse ) provenant d’une étude sur la fabrication des fonds à partir des viandes osseuses au Département de Technologie Alimentaire, et de tourteaux d’arachides achetés dans une unité de production d’aliment à base d’arachide.
Le matériel biologique a d’abord subi un contrôle sanitaire qui a prouvé sa conformité avant son utilisation dans la présente étude.
Les cinq formulations qui ont servi à la production des saucisses ont été réalisées à partir des données d’études réalisées sur la production du Kilishi. Dans ces études, plusieurs formulations de sauces d’enrobage ont été proposées, mais seulement treize formules ont été retenues dans ces études. Ces treize formulations ont permis de distinguer trois types d’épices et d’ingrédients constituant la sauce d’enrobage : les matières premières de base, les épices et ingrédients qui ont été qualifiés d’obligatoires étaient présents dans toutes les formulations proposées par les auteurs et ceux qui n’étaient pas présents dans toutes les formulations étaient qualifiés de facultatifs. Des prétests ont permis de retenir sept formulations qui avaient les meilleurs goûts. Les valeurs minimales, moyennes et maximales des épices et ingrédients pour l’ensemble des 7 formulations retenues ont été déterminées. Sur cette base, une dernière étape de traitement de données a permis de générer cinq formulations suivant les principes définis dans le Tableau 1. La formulation témoin utilisée est celle proposée par Igene et ses collaborateurs (1990). Cette formulation témoin contenait un exhausteur de goût de type glutamate monosodique (MSG). La composition des six formulations est mentionnée dans le Tableau 2. Ces formulations ont servi à la production de la sauce d’enrobage du Kilishi. Pour l’obtention des six formulations, les matières de bases, les épices et ingrédients obligatoires et facultatifs ont été mixés pendant 3 minutes et pasteurisés à 80°C, pendant 20 minutes. Après plusieurs séries de tests, l’ajout dans chaque formulation de la sauce obtenue a été ajusté à 5% de la masse de viande hachée pendant le cutterage pour la production des saucisses.
Tableau 1 : Principe d'établissement des formulations
Tableau 2 : Compositions des six formulations des épices et ingrédients
Légende : F= Formulation ; T= Témoin
II. MÉTHODE DE PRODUCTION ET D’ÉCHANTILLONNAGE
Six formulations de saucisses ont été réalisées à partir d’un diagramme de production mis en place à partir des recherches bibliographiques (Frentz et al., 2003 ; CCSCV, 2016) et des essais de production suivis de tests de dégustation. Ces essais de production ont permis de standardiser le procédé pour chaque formulation. Pour chaque formulation, la production a été faite en triple. Les caractéristiques technologiques telles que la température, la durée d’étuvage et de cuisson ont été déterminées à l’aide d’un thermomètre et d’un chronomètre (Figure 1).
Figure 1 : Diagramme de production des saucisses cuites de type Kilishi
Les échantillons de saucisses issues des différentes formulations ont été prélevées. Au total dix-huit échantillons ont été collectés dans des sachets stomachers stériles pour les analyses. Les analyses ont été réalisées en triple sur chaque échantillon.
Les analyses physico-chimiques réalisées sur les échantillons de saucisses ont concerné le pH, la teneur en eau, l’Humidité du Produit Dégraissé (HPD), les glucides, les matières grasses, les protéines et la valeur énergétique. Le pH a été mesuré à 25°C à l’aide d’un pH-mètre selon la méthode décrite par Nout et al. (1998) ; la teneur en eau a été déterminée selon la norme internationale AOAC (1990). Les teneurs en matières grasses et en protéines ont été, respectivement, déterminées suivant la méthode d’extraction de type soxhlet décrite selon la norme ISO 659 (1998) et la méthode de Kjeldahl selon la norme V03-050 (1970). Les teneurs en Humidité du Produit Dégraissé (HPD) ont été déterminées suivant la formule décrite dans le code d’usage de la charcuterie et de la salaison et de conserve de viande (1980). La valeur énergétique a été calculée en utilisant les coefficients d’Atwater et Benedict (1899). Les glucides totaux ont été déterminés par la méthode de différence.
- La préparation de la suspension mère et des dilutions décimales
La préparation des échantillons, de la suspension mère et des dilutions décimales a été effectuée selon la norme internationale ISO 6887-1(1999).
- Ensemencement, incubation, comptage et expression des résultats
La méthode d’inoculation dans la masse a été utilisée pour l’ensemencement. Le dénombrement de la flore aérobie mésophile a été effectué selon la norme internationale ISO 4833 (2003). Les coliformes totaux ont été dénombrés respectivement selon la norme internationale ISO 4832 (2006). Le dénombrement des levures et moisissures a été fait selon la norme internationale ISO 7954 (1988). Le dénombrement de Staphylococcus aureus a été fait selon la norme internationale ISO 6888-1 (1999). Le dénombrement de Bacillus cereus a été fait selon la norme internationale ISO 7932(E) 1993.
Les tests sensoriels ont consisté en des tests hédoniques : un test de classement et un test d’acceptabilité par rapport à des descripteurs liés au goût. Ces tests ont été réalisés selon la norme ISO 8587 (2006). Les tests ont consisté à servir 15g de chaque formulation de saucisse codée différemment et à les présenter simultanément aux dégustateurs. Le panel était composé de 24 dégustateurs entrainés qui ont l’habitude de consommer le Kilishi et les saucisses. Pour le test de classement, les dégustateurs ont attribué un rang de 1 à 6 par ordre de préférence et pour le deuxième test hédonique (test d’acceptabilité), les dégustateurs ont attribué des notes de 1 à 5. Les descripteurs ont été convertis en notation numérique allant de 1 à 5, où 1 correspond à « très désagréable », 2 à « désagréable », 3 à « Ni agréable-Ni désagréable », 4 à « agréable » et 5 à « très agréable ».
Les données d’analyses sensorielles, physicochimiques et microbiologiques ont été traitées à l'aide des logiciels Microsoft Excel/2013 et XLStat 2016. Le traitement a permis de caractériser les données quantitatives, essentiellement par leur moyenne avec leurs écarts types. Pour les paramètres physicochimiques, une analyse de la variance ANOVA a été réalisée avec le test de Tukey, au seuil de 5%. Les résultats d’évaluation sensorielle ont été analysés avec le test de Friedman avec un risque d’erreur de 5%. Les analyses en composantes principales (ACP) ont été effectuées afin d'étudier d'une part le lien entre les formulations et les paramètres physicochimiques et, d'autre part le classement des saucisses produites selon les dégustateurs. Elles ont été réalisées à l'aide du logiciel statistique open source R (version 3.6.2).
III. RESULTATS
Les principales étapes de la technologie de production des saucisses présentées dans le diagramme (Figure1) sont décrites ci-dessous :
- Collecte de la matière première : c’est une opération qui a consisté à collecter des viandes de bœuf de deuxième et de troisième catégorie. Les ingrédients et épices ont été pesés pour les différentes formulations.
- Découpe des viandes en morceaux de petite taille : c’est une opération qui a consisté à réduire la taille des viandes afin de faciliter le hachage.
- Salage : cette opération a consisté à ajouter 2% de sel (NaCl) par rapport à la matière première carnée.
- Refroidissement : c’est une opération qui a pour but d’abaisser la température de la viande jusqu’à 2°C, pendant 24 heures
- Hachage : cette opération a consisté à réduire la taille des morceaux de viande, en utilisant la plaque d’épaisseur 3 mm. Lors de cette étape, les morceaux de viande sont hachés séparément. Le hachage est effectué au hachoir. Le but de cette opération est surtout de faciliter ensuite le cuttérage qui permet d’obtenir une farce fine.
- Cuttérage : cette opération effectuée au moyen d’un cutter a consisté à hacher finement et à homogénéiser les ingrédients. Des précautions doivent être prises, en ce qui concerne l'ordre dans lequel les ingrédients sont ajoutés lors du cuttérage. En effet, la viande est d’abord cuttérée à une vitesse de 1500 rpm, pendant 10 minutes ; ensuite, 5% de formulation de la sauce d’enrobage des lanières de viande sont ajoutés au mélange et l’ensemble est cuttéré à nouveau à une vitesse de 1500 rpm, pendant 5 minutes. La température du produit lors du cuttérage peut augmenter assez rapidement. Afin d’éviter cette augmentation de la température, de la glace a été ajoutée à hauteur de 25% pour chaque formulation de saucisse, ce qui a permis de maintenir la température à la fin du cuttérage aux environs de 14°C.
- Embossage : pour cette étape, la farce est mise d’abord dans le poussoir ; ensuite les boyaux sont enfilés dans le cornet du poussoir. Il est important de bien choisir le calibre du boyau. Dans la présente étude, celui-ci avait un diamètre compris entre 16 et 18 mm. Enfin, il faut actionner la manivelle du poussoir pour la mise de la farce dans les boyaux.
- Portionnage : c’est une opération visant à portionner les saucisses en leur donnant une taille. Dans la présente étude, la taille des boyaux était de 15 cm.
- Cuisson à la vapeur : elle a consisté à cuire les saucisses crues à la vapeur à 100°C, pendant 30 minutes, dans un couscoussier.
- Etuvage : il a consisté à réduire la quantité d’eau contenue dans les saucisses. L’étuvage est effectué à l’aide d’un four (BB équipement) pendant 3 heures à une température comprise entre 40°C et 50°C.
- Rôtissage : il a permis de rôtir les saucisses à 100°C, pendant 10 minutes, provoquant une réaction de Maillard à la surface des saucisses préparées.
- Fumage au charbon de bois et au laurier : le processus de fumage consiste d’abord à allumer le charbon de bois contenu dans une boite métallique et à mettre 15g de feuille de laurier sur 1 kg de braises de charbon, à laisser ensuite monter la fumée dans le four, pendant 10 minutes, à une température de 60-70°C. Ce type de fumage a pour rôles d’aromatiser, de colorer et de préserver les saucisses. A la fin de cette étape, les saucisses cuites de type Kilishi ont été obtenues (Figure 2).
- Refroidissement : il a pour but de laisser refroidir à température ambiante les saucisses avant leur emballage.
- Conditionnement sous-vide : il permet de protéger les produits carnés contre les effets indésirables sur la qualité, y compris les altérations microbiologiques et physico-chimiques. Les saucisses ont été conditionnées dans un plastique imperméable aux gaz (polyéthylène de 70 microns d’épaisseur), puis mises sous vide (Lacor : home vacuum pack) jusqu’à une pression de 850 mbar, afin d’augmenter la durée de conservation des saucisses. Les saucisses ont été, ensuite, stockées au congélateur à -12°C.
Figure 2 : Saucisses cuites de type kilishi
Les caractéristiques physicochimiques des six formulations de saucisses sont présentées dans le Tableau 3. Les valeurs de l’humidité, de l’HPD, des teneurs en matières grasses, en protéines, en glucides et les valeurs énergétiques des saucisses étudiées ont respectivement varié de 52,38 à 57,49 % ; de 57,29 à 63,56% ; de 8,55 à 14,13% ; de 26,57% à 32,61 % ; de 1,272 à 4,26% ; de 877,92 à 1047,37 KJ /100g et de 5,61 à 6,08. L’analyse de la variance ANOVA (P < 0,005) indique qu’il y a une différence significative entre les valeurs des teneurs en eau, en HPD, en matière grasses, en protéines, en glucides, en énergie et les pH des saucisses issues des six formulations.
Tableau 3 : Résultats des analyses physicochimiques des saucisses issues des six formulations
Les valeurs ayant des lettres différentes en exposant sont significativement différentes (P < 0,005). Legende : F=Formulation, T=Témoin
Les résultats des analyses microbiologiques effectuées sur les échantillons de saucisses issues des six formulations sont consignés dans le Tableau 4. La charge en UFC/g de la flore mésophile aérobie totale a varié de 1,4.102 à 7,2.102 dans les six formulations de saucisses. Quant aux charges en UFC/g des coliformes totaux, des levures et moisissures, de B. cereus et de S. aureus, elles étaient de moins de 10 chacune.
Tableau 4 : Résultats des analyses microbiologiques des saucisses issues des six formulations
Légende : F=Formule, T= Témoin.
Les résultats du premier test hédonique qui correspond à l’épreuve d’acceptabilité sont indiqués dans le Tableau 5. Les scores (notes) ont varié de 4 à 4,83. L’analyse de Friedman (P < 0,05) a montré qu’il y a une différence statistiquement significative entre les moyennes des scores des échantillons. Ces scores se situent entre 4 et 5 : elles correspondent aux goûts agréable et très agréable. Il ressort des résultats du deuxième test hédonique qui est le test de classement (Tableau 6) que les moyennes de classement ont varié de 1,41 à 5,48 où le premier a obtenu la moyenne la plus faible et le dernier la moyenne la plus élevée. Les résultats du test de classement ont ainsi montré que les formulations 5, témoin, 2, 3, 4 et 1 ont été classées (selon la préférence du panel), respectivement, premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième par le panel. L’analyse de Friedman (P < 0,05) a montré qu’il y a une différence statistiquement significative entre les moyennes des classements des échantillons de saucisses.
Tableau 5 : Résultats du test d’acceptabilité
Les valeurs ayant des lettres différentes en exposant sont significativement différentes (P < 0,005)
Légende : F=Formule, T= Témoin.
Tableau 6 : Résultat du test de classement
Les valeurs ayant des lettres différentes en exposant sont significativement différentes (P < 0,005)
Légende : F=Formule, T= Témoin.
IV. DISCUSSION GENERALE
D’une manière générale, nous pouvons dire que les prétests nous ont permis de proposer un diagramme de production standardisé de saucisses qui ont été produites en incorporant les épices et ingrédients utilisés dans la production du Kilishi. La technologie proposée dans cette étude présente l’avantage d’utiliser les épices et ingrédients locaux comparativement aux merguez, saucisses de Toulouse aux saucisses cuites de Strasbourg et de Francfort produites dans les charcuteries au Burkina Faso qui contiennent les épices, ingrédients importés (INERA/DTA, 2014 ; Ndih et al., 2018). De plus, cette technologie proposée ne contient pas de glutamate monosodique contrairement aux Kilishi vendus sur les marchés ouest africains et centre africains (Igene et al. 1990 ; Ndih et al.,2018) mais plutôt le fond blanc de bœuf qui a été utilisé comme exhausteur de goût d’origine naturelle. Le fond blanc de bœuf utilisé a été produit à partir des viandes osseuses de l’arrière de bœuf inutilisable dans la production du Kilishi, ces parties ont été valorisées en fond de sauce dans les travaux de Doamba (2021). En effet la consommation à forte dose du glutamate monosodique peut occasionner des migraines, des céphalées, des bouffées de chaleur, des paresthésies et les fourmillements. Des effets plus grave ont été décrits avec un lien potentiel entre glutamate et la destruction neuronale, l’autisme, la prise de poids voire l’obésité ou le diabète de type II, la fibromyalgie ou encore la dégénérescence rétinienne (Deppenweiler, 2014).
Les résultats des analyses physicochimiques (Tableau 3) ont montré qu’il y a une différence significative entre les valeurs des teneurs en eau, en HPD, en matière grasses, en protéines, en énergie et les pH des saucisses issues des six formulations. Cela pourrait s’expliquer par la composition en épices et ingrédients qui diffère suivant les formulations. En effet, les saucisses issues des formulations 2 et 4 sont les plus riches en matières grasses, en glucides et en énergie. Les saucisses issues des formulations 1 et 2 sont les plus riches en protéines et ont présenté des pH élevés. Les saucisses issues des formulations 5 et témoin sont les plus pauvres en protéines, en énergie, en glucides, en matières grasses ; par contre, elles sont riches en eau et en HPD (Figure 3). Les valeurs du pH des saucisses étaient comprises entre 5,61 et 6,08. La valeur du pH d’un produit alimentaire influe sur sa conservation car les bactéries pathogènes ne se développent pas dans un milieu, dont le pH est inférieur à 4,5. Les aliments à pH faible sont donc plus stables que les aliments à pH élevé, voire neutre (Nout et al., 1998). Les valeurs des pH des six formulations de saucisses étudiées sont supérieures à 4,5 ; cela ne favorise donc pas une bonne conservation. Cependant les valeurs de nos pH sont comprises dans l’intervalle des pH des produits carnés séchés ou cuits variant entre 5 et 6 (Jones et al., 2001 ; Ratsimba, 2017). La teneur en eau des saucisses était comprise entre 52,38% et 57,49 %. Ces valeurs sont comprises dans l’intervalle fixé par Frentz et Juillard (2003) pour les saucisses qui est de 45-60%.
La teneur en protéines des saucisses était comprise entre 26,57% et 32,61 %. En comparant nos résultats en protéines avec les autres types de saucisses cuites, nous constatons que nos formulations sont très riches en protéines et les valeurs en protéines de nos formulations sont supérieures à celle des saucisses de Francfort et de Strasbourg qui sont, respectivement, de 12,7 et de 13,3g pour 100g de produit (Frentz et Juillard, 2003 ; CCSCV, 2016). Les moyennes des matières grasses des saucisses cuites de type Kilishi ont varié de 8,55 à 14,13%. Nos valeurs en matières grasses sont toutes inferieures à la limite fixée par le code d’usage de la charcuterie, de la salaison et des conserves de viandes, qui est de 30%. L’excès de matières grasses doit, cependant, être évité dans nos choix de consommation alimentaire, car leur consommation élevée peut entraîner certaines maladies cardiovasculaires et accroître le risque de prise de poids à cause de la richesse en calorie (Smith-Schneider et al., 1992).
Les moyennes des teneurs en glucides des saucisses cuites de type Kilishi ont varié de 1,27 à 4,26%. En comparant nos valeurs en glucides (1,27 à 4,26%) avec les autres types de saucisses cuites, nous constatons que nos formulations ont des valeurs supérieures à celles des saucisses de Francfort et de Strasbourg, qui sont respectivement de 0,8 à 1,0% (Frentz et Juillard, 2003 ; CCSCV, 2016). Les valeurs en protéines et en glucides de nos saucisses plus élevées que les saucisses cuites de Strasbourg ou Francfort pourraient s’expliquer par le temps d’étuvage plus long que nos saucisses subissent. Cela diminuerait la quantité d’eau et augmenterait la teneur en matière sèche.
Figure 3 : PCA-Biplot des caractéristiques physicochimiques des six formulations
L’Humidité du Produit Dégraissé (HPD) des saucisses cuite de type Kilishi ont varié de 57,29 à 63,56%. Les valeurs en HPD des saucisses étudiées sont toutes inférieures à la limite fixée par le code d’usage de la charcuterie, de la salaison et des conserves de viande qui est de 80%. Ces valeurs en HPD permettent une bonne conservation de nos saucisses. En effet, l’HPD dépend des quantités d’eau ou de matières riches en eau ajoutées. Leurs limites sont fixées pour les produits de charcuterie et de salaison en fonction de la technologie ; plus le produit est cuit ou séché, plus l’HPD est basse. Si, au contraire, il y a plus d’addition d’eau, glace ou de substances riches en eau, alors l’HPD est plus élevée (CCSCV, 1980). Nos valeurs en HPD basses pourraient s’expliquer par les différents traitements thermiques que les saucisses ont subi au cours du processus de production.
Au regard de ces résultats, nous pouvons dire que les saucisses produites étaient toutes de bonne qualité nutritionnelle. Cependant, la teneur en eau de nos échantillons de saucisses et les valeurs de leurs pH ne sont pas favorables à une bonne conservation. Nous avons donc décidé de les conditionner sous vide, puis de les stocker -12°C pour une plus longue conservation.
Les résultats des analyses microbiologiques (Tableau 4) ont montré que les charges en flore mésophile aérobie totale (1,4.102 à 7,2.102), en coliformes totaux (moins de 10) et en S. aureus (moins de10) en UFC/g de nos saucisses sont toutes inférieures aux limites recommandées par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (2008) pour les produits de charcuterie cuites qui sont de 3,0.105 UFC/g pour la flore mésophile aérobie totale, de 103 UFC/g pour les coliformes et de 102 UFC/g pour les S. aureus. Ces résultats nous permettent de dire que les saucisses étudiées sont propres à la consommation humaine. La bonne qualité microbiologique des saucisses s’expliquerait par l’efficacité des traitements thermiques appliquées (cuisson vapeur, rôtissage, fumage) aux saucisses, à la pasteurisation des épices et des ingrédients et à l’application des règles de bonnes pratiques d’hygiène et de fabrication au cours de la production des saucisses.
Les résultats de l’épreuve d’acceptabilité (Tableau 5) ont montré que les scores (ou notes) ont varié de 4,00 à 4,83, soit une note d’appréciation moyenne de 4,3, ce qui se correspond au goût agréable. Nous pouvons donc conclure que les six formulations de saucisses ont été toutes jugées agréables par les dégustateurs. De même, il ressort des résultats du test de classement (Tableau 6) que les formulations 5, témoin, 2, 3 ,4 et 1 ont été classés (selon la préférence du panel) respectivement premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième par le panel. Le test de Friedman n’a pas montré de différence significative entre la moyenne de classement des formulations 5 et témoin qui occupaient respectivement le premier et le deuxième rang du classement. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les deux formulations avaient des quantités en épices et ingrédients obligatoires et facultatifs plus élevées que dans le reste des formulations (Figures 4, 5). L’analyse n’a pas montré de différence significative entre les moyennes de classement des formulations 2, 3, et 4 qui occupaient le troisième, quatrième et cinquième rangs du classement. En effet, ces trois formulations sont, après la formulation 5 et témoin, celles qui ont des quantités en épices et ingrédients plus élevées que celles de la formulation 1 qui occupe le dernier rang de classement. Également, parmi ces trois formulations (2, 3 et 4), la formulation F2 est celle qui contient tous les épices et ingrédients obligatoires, ainsi que les épices et ingrédients facultatifs en quantité moyenne (Tableau 1, 2). Cela pourrait expliquer son classement en troisième position, après les formulations témoin et 5. Il ressort des résultats des analyses sensorielles que les épices et ingrédients du Kilishi utilisés dans la production des saucisses rendaient le goût agréable. En effet, dans la présente étude, les six formulations étaient composées de matières premières, d’épices et d’ingrédients obligatoires et facultatifs. Les épices et ingrédients qui étaient présents dans les treize formulations de la sauce d’enrobage des études sur le Kilishi consulté lors de la revue bibliographique (Musonge et al.,1993 ; Badau et al., 1997 ; Kalilou et al.,1998 ; Ogunsola et al., 2008 ; Chukwu et al., 2009 ; Mgbemere et al., 2011 ; Isa et al., 2012 ; Olusola et al., 2012 ; Jega et al., 2013 ; Bello et al., 2015 ; Iheagwara et al., 2016) ont été qualifiés d’obligatoire. Ils se composent d’oignon, de piment, de gingembre et de sel que l’on retrouve généralement dans la composition de la sauce d’enrobage des lanières de viandes séchées. Les autres épices et ingrédients qui n’étaient pas présents dans toutes les formulations étudiées ont été qualifiés de facultatifs. Ces épices et ingrédients facultatifs composés de poivre noir, de poivre de guinée, de clou de girofle, de colorant rouge, de fausse noix de muscade, de sucre d’exhausteur de goût de type glutamate monosodium sont généralement ajoutés aux épices et ingrédients obligatoires dans la formulation de la sauce d’enrobage.
Dans cette étude, les formulations, qui contenaient aussi bien les épices et ingrédients obligatoires que les épices et ingrédients facultatifs en quantité élevées, ont été les plus appréciés par le panel, soit les formulations F5, FT et F2 (Figures 4 et 5). Nos résultats sont similaires à ceux de Igene et al. (1990) et de Badau et al. (1997) qui ont montré que la formulation témoin qui avait une composition proche de la formulation 5 améliorerait le goût du Kilishi.
CONCLUSION
La présente étude a montré qu’il est possible d’utiliser les épices et ingrédients issus de la production de Kilishi pour produire des saucisses de bonne qualité nutritionnelle, microbiologique et sensorielle. Cette étude a également montré que les saucisses qui contenaient les épices et ingrédients obligatoires en quantité plus élevées que les épices et ingrédients facultatifs étaient les plus appréciés par les dégustateurs (formulations 5, témoin et 2). Les épices et ingrédients obligatoires amélioreraient donc le goût des saucisses plus que les épices et ingrédients facultatifs du Kilishi. La présente étude est une contribution à la diversification des produits à base de viande au Burkina Faso.
Figure 4 : ACP de la composition des formulations et Test de classement
Figure 5 : Composition en épices et ingrédients des six formulations de saucisses suivant leur rang
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CCSCV (Code d’usage de la Charcuterie, de la Salaison et des Conserves de Viande), (1980). Réglementation et usage Ed. Centre Technique de la Salaison, de la charcuterie et des conserves de viande. 2ème édition, Paris, Maison Alfort.
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